Depuis quelques semaines, les bureaux du service Affaires économiques et financières de la Commission européenne se préparent activement à étudier les projets budgétaires des États membres.
C’est une première dans l’histoire de l’Union monétaire.
Si depuis la mise en œuvre du Pacte de stabilité et de croissance en 1998, les États ne devaient envoyer à Bruxelles qu’une simple déclaration d’intention (le programme de stabilité remis en avril de chaque année), les recommandations de la Commission porteront désormais sur les projets budgétaires eux-mêmes.
Malheureusement, cette nouvelle procédure de contrôle ne semble pas du tout s’adapter au calendrier budgétaire national.
Alors que le projet de loi de finances sera transmis au Parlement à la fin du mois de septembre, la Commission européenne indique qu’elle remettra ses recommandations, comme le règlement (1) le prévoit, à la fin du mois de novembre. Pour cause, le gouvernement a (selon ce même règlement) jusqu’à la mi-octobre pour transmettre son projet de plans budgétaires et ne l’a toujours pas fait à ce jour.
Ministres et commissaires ont donc choisi d’appliquer strictement le texte, bien que les députés de la Commission des Affaires européennes de l’Assemblée nationale aient demandé en juin dernier que l’avis soit donné « avant le début de l’examen du projet de loi de finances par la commission des Finances, soit avant le deuxième mardi d’octobre ».
Par conséquent, il est très probable que le projet de loi de finances soit adopté par l’Assemblée nationale et le Sénat avant même que la France ait reçu les « recommandations » des commissaires.
En effet, l’Assemblée dispose d’un délai maximal de 40 jours pour se prononcer en première lecture et le Sénat dispose de 20 jours. En tout, les deux chambres doivent valider le budget dans un délai global de 70 jours.
De quoi sérieusement douter du sérieux des modalités de transmission des projets de budget adoptées le 9 juillet dernier par les ministres des finances.
Ceux-ci se sont en effet engagés à ce que les plans soient évalués par la Commission, en tenant compte, « dans la mesure du possible, des calendriers budgétaires et procédures parlementaires nationaux ».
Ce contretemps pourrait non seulement fortement agacer les parlementaires, mais surtout remettre en question l’efficacité même du dispositif. A moins qu’il ne fasse encore davantage basculer le débat budgétaire en dehors des hémicycles…
Il y a tout lieu de penser que le débat se tient en ce moment même entre les ministres en charge du budget et la Commission afin d’établir un plan prenant en compte le plus possible les recommandations européennes. A ce titre, les parlementaires sont déjà écartés des discussions.
Ensuite, si le règlement prévoit qu’un Parlement puisse demander au commissaire de présenter son avis, cela ne pourra être effectué qu’après l’examen et l’approbation du budget par les députés. « Un peu tard » répondront-ils sans doute.
Les mauvais esprits diront que, par le dispositif mis en place, les institutions européennes – et en particulier les gouvernements – considèrent les Parlements nationaux comme de simples chambres d’enregistrement qui ne valent pas la peine d’être invités à la table des débats budgétaires.
Or, cette question du calendrier est d’autant plus importante que le règlement prévoit la possibilité pour la Commission d’exiger la révision des projets budgétaires nationaux dans un délai de trois semaines, si celle-ci estime qu’ils présentent un « manquement particulièrement grave ».
De quoi remettre en lumière la question posée par un député à Madame Viviane Reding, vice-présidente de la Commission européenne, le 15 octobre 2012: « Si, concrètement, au mois de novembre, la Commission avait un point de vue réservé sur la loi de finances, que se passera-t-il? ».
Alerté par un député socialiste français, le Secrétariat Général aux Affaires Européennes reconnait lui-même que ce calendrier pose problème.
Les contrariétés parlementaires pourraient être d’autant plus importantes que le gouvernement s’engage en ce moment même dans la délicate réforme des retraites.
Nombreux sont ceux qui pourraient ainsi reprocher au gouvernement de laisser les parlementaires et les représentants des organisations syndicales loin des intenses discussions menées avec la Commission.
Nombreux sont ceux, également, qui n’hésiteront pas à utiliser les éventuelles réserves de la Commission pour accentuer les clivages politiques et disqualifier la décision de la majorité parlementaire.
Notes:
(1) le règlement établissant des dispositions communes pour le suivi et l’évaluation des projets de plans budgétaires et pour la correction des déficits excessifs dans les États membres de la zone euro
Pour en savoir plus sur ce règlement: cliquez-ici
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