Le 4 octobre dernier, le Conseil européen a approuvé un texte récemment voté par le Parlement européen, à l’initiative de la Commission, concernant un ensemble de six propositions législatives (Six-Pack) destinées à renforcer la gouvernance économique au sein de l’Union.
Familièrement dénommé « Six-Pack », les six textes concernent à la fois les volets préventif et correctif instaurés en 1997 pour assurer la convergence budgétaire nécessaire à la mise en place de l’euro. De surcroit, le « Six-Pack » approfondit cette convergence en l’étendant à l’ensemble des équilibres macroéconomiques.
Cette chronique sera donc l’occasion de revenir sur l’ensemble des mécanismes liés à ce que l’on appelle couramment le Pacte de stabilité et de croissance.
Nous verrons comment les eurodéputés français ont voté ces différents textes.
Après une première chronique dédiée au volet préventif, nous nous penchons désormais sur le volet correctif du Pacte: la procédure concernant les déficits excessifs
Une brève présentation du volet correctif
Le 7 juillet 1997, l’Union européenne adopte le règlement n°1467/97. Il vise à clarifier et accélérer la procédure concernant les déficits et dette excessifs, prévue par l’article 126 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (UE), de manière à ce qu’elle joue un rôle véritablement dissuasif.
Définie par le protocole sur la procédure de déficit excessif, annexé au traité sur le fonctionnement de l’UE (par le traité de Maastricht en 1992), la valeur de référence pour le déficit public est 3 % du produit intérieur brut (PIB), celle de la dette est fixée à 60% du PIB.
Quel est le mécanisme de sanction jusqu’à présent applicable?
Un État membre qui ne respecte pas la valeur de référence du déficit public se voit adresser un avis par la Commission. Le Conseil, en statuant à la majorité qualifiée, sur la base de l’avis de la Commission, décide s’il y a un déficit excessif. Dans ce cas, il adresse des recommandations à l’État membre concerné qui dispose de six mois pour engager un action suivie d’effets.
Si l’État membre ne réduit pas [ou pas assez] son déficit, une mise en demeure peut lui être adressée par le Conseil. Au plus tard quatre mois après la mise en demeure, l’État peut se voir adresser des sanctions.
Les sanctions résultant d’une procédure pour déficit excessif prennent d’abord la forme d’un dépôt sans intérêt auprès de l’UE. Un plafond de 0.5 % du PIB est fixé pour le montant annuel des dépôts. Un dépôt est en principe converti en amende si, dans les deux années suivantes, le déficit excessif n’a pas été corrigé.
Les intérêts sur les dépôts constitués auprès de la Commission, ainsi que le produit des amendes, sont répartis entre les États membres n’étant pas en situation de déficit excessif, proportionnellement à leur part dans le produit national brut (PNB) global des États membres éligibles.
En 2005, ledit règlement est modifié. Les délais de décision du Conseil ainsi que les délais de « réactions » des États membres sont étendus afin « de permettre à l’État membre concerné de mieux inscrire son action dans le cadre de la procédure budgétaire nationale et d’élaborer un ensemble de mesures plus cohérent ». L’examen de la situation budgétaire des États membres est approfondie et élargie afin de mieux prendre en compte les spécificités de chaque État. De même, un assouplissement des sanctions est introduit afin de prendre en compte la mise en œuvre de réformes structurelles couteuses (la réforme des retraites notamment) ainsi que les « événements économiques négatifs et inattendus ».
Les modifications apportées par le « Six-Pack »
Le règlement ici adopté vise à modifier le texte historique de 1997 afin d’améliorer la surveillance budgétaire.
Résolution législative du Parlement européen du 28 septembre 2011 sur la proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1467/97 du Conseil visant à accélérer et à clarifier la mise en œuvre de la procédure concernant les déficits excessifs(1)
Ce volet correctif connait les mêmes évolutions que le volet préventif.
Un dialogue économique est instauré, permettant une mince reconnaissance du Parlement européen. Ce dernier peut convier le Président du Conseil, de la Commission, du Conseil européen ou encore de l’Eurogroupe afin de débattre de la procédure concernant les déficits excessifs. En outre, le Parlement européen peut proposer à l’État membre objet des recommandations de participer « à un échange de vue ».
Le Parlement européen est obligatoirement tenu informé par la Commission des avis et recommandations qu’elle émet.
A l’instar du volet préventif, le Conseil est « en principe, censé suivre les recommandations et propositions de la Commission ». Dans le cas contraire, il devra s’en expliquer publiquement dans le cadre de ce dialogue.
De même, une mission de surveillance est confiée à la Commission. Celle-ci entretient désormais en permanence un dialogue avec les autorités des États membres. La surveillance est renforcée si l’État fait l’objet de recommandations. Aussi, s’il est membre de la zone euro, la Commission pourra inviter des représentants de la BCE à participer aux missions de surveillance.
Les conclusions provisoires de la Commission sont transmises à l’État membre concerné afin que celui-ci lui fasse part de ses commentaires.
La Commission présente au Conseil les conclusions de sa mission et peut rendre celles-ci publiques.
Étendu par la réforme de 2005, le délai accordé par le Conseil à l’État membre déficitaire pour engager une action suivie d’effets reste de six mois maximum. Cependant une dérogation est introduite « lorsque la gravité de la situation le justifie ». L’État disposera alors de trois mois pour réagir aux recommandations de la Commission.
Le « Six-Pack » introduit également l’obligation de remise à la Commission et au Conseil d’un rapport indiquant l’action engagée par l’État en matière de recettes et de dépenses publiques conformément aux recommandations ou à la mise en demeure reçues. Ces rapports sont rendus publics.
Le Conseil, sur la base de ce rapport, détermine si l’État a engagé une action suivie d’effets. Il tient également compte du résultat de la nouvelle mission de surveillance menée par la Commission. Pour ce faire, le Conseil dispose d’un délai rallongé à 4 mois (initialement de deux mois).
Si le Conseil constate que l’État membre n’a pas pris d’action suivie d’effets, il en informe le Conseil européen.
En 2005, en conséquence directe de la crise, le règlement est modifié afin d’assouplir la procédure en cas d’ « événements économiques négatifs et inattendus ». Désormais, le Conseil ne pourra réviser ses recommandations ou ses mises en demeure qu’à condition que « cela ne remette pas en danger la viabilité budgétaire à moyen terme ».
Enfin, les modifications à la marge apportées au règlement mettent en avant que désormais les États devront non seulement respecter les exigences de l’Union en terme d’objectif (« améliorer chaque année d’au moins 0,5% du PIB »), mais également respecter les moyens recommandés par le Conseil.
Les sanctions
Comme indiqué dans la première chronique consacrée au volet préventif, le « Six-Pack » induit un glissement sévère du mécanisme de sanction à l’œuvre jusqu’à présent.
Sanction de principe jusqu’alors, le dépôt ne portant pas intérêt devient désormais un moyen d’inciter les États à respecter leur programme de stabilité. Par cela, le volet préventif se dote désormais de sanctions applicables.
Ainsi, afin de respecter l’échelle des sanctions, celles-ci se voient durcies pour le volet correctif: l’amende devient la sanction de principe.
Dans un délai de quatre mois maximum suivant la mise en demeure et de vingt jours après l’adoption par le Conseil d’une décision selon laquelle l’État membre n’a pris aucune action suivie d’effets pour corriger son déficit excessif, la Commission recommande au Conseil d’imposer une amende. Cette décision est réputée adoptée par le Conseil, à moins que celui-ci, statuant à la majorité qualifiée, ne rejette la recommandation dans un délai de dix jours après son adoption par la Commission. Le Conseil, statuant à la majorité qualifiée, peut amender la recommandation de la Commission.
L’amende est constituée d’un composante fixe égale à 2% du PIB et d’une composante variable. L’amende ne peut excéder un plafond de 0,5% du PIB.
Si l’État membre a constitué auprès de la Commission un dépôt ne portant pas intérêt, ce dépôt est converti en amende.
Les amendes sont affectés au Fonds européen de stabilité financière (FESF). Lorsque le Mécanisme européen de stabilité (MES) sera actif, c’est à lui que reviendront ces recettes.
En outre, l’article 11 du règlement 1467/66 renvoie à l’article 126, paragraphe 11, du TFUE qui indique les mesures pouvant être prises en sus de l’amende, à savoir:
* exiger de l’État membre concerné qu’il publie des informations supplémentaires, à préciser par le Conseil, avant d’émettre des obligations et des titres;
* inviter la Banque européenne d’investissement à revoir sa politique de prêts à l’égard de l’État membre concerné.
Analyse des votes (2)
Cette résolution a été adoptée par 363 voix contre 268 (37 députés se sont abstenus, 14 n’ont pas voté, 54 étaient absents).
Sur les 72 députés « français »:
– Les membres de l’alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe (ADLE, 6 député), pour la plupart issus du MODEM, ont voté « pour », suivant ainsi la ligne du parti, hormis Jean-Luc Bennahmias et Corinne Lepage qui ont voté contre.
– Les membres du Parti populaire européen (PPE, 29 députés), issus de l’UMP, du Nouveau centre, de la gauche moderne et du Parti radical, ont tous voté « pour », suivant également la ligne du parti;
– Membre de l‘Europe Liberté Démocratie (EFD, parti présidé par le célèbre N. Farage), Philippe de Villers a voté contre;
– Les membres de l’alliance libre européenne-Les Verts (14 députés, dont Eva Joly, Daniel Cohn Bendit, et José Bové), ont voté « contre », suivant ainsi la ligne du parti; A noter cependant que deux députés étaient absents et que M. Cohn Bendit s’est abstenu (vote blanc).
– Les membres de la Gauche unitaire européenne – Gauche verte européenne (5 députés, dont Jean-Luc Mélenchon), ont tous voté « contre » (hormis un député n’ayant pas voté);
– Les membres de l’alliance Progressiste des Socialistes & Démocrates(S&D, 14 députés), issus du Parti socialiste, ont tous voté contre, suivant ainsi la ligne du parti (hormis trois députés absents, dont Harlem Désir).
– Parmi les non-inscrits, Bruno Gollnisch était absent. Jean-Marie Le Pen et Marine Le Pen ont voté « contre ».
Sources:
(La prochaine chronique n°3 portera sur l’élargissement de la surveillance aux déséquilibres macroéconomiques.)
[box]Merci d’avance à tous ceux qui publient/relaient mes articles. Merci cependant de sélectionner un extrait et de mettre le lien vers l’article original! Magali[/box]
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