Incapables de lui donner naissance, les politiques français ont choisi d’adopter la règle d’or budgétaire, discrètement née dans les couloirs bruxellois.
C’est ainsi que se dessine doucement une garde alternée du budget français, tour à tour encadré par les institutions nationales et européennes – les commissaires européens faisant office de tuteurs privilégiés.
Voici pour vous comptée la petite histoire de la règle d’or budgétaire à la française…
Conseil européen des 24 et 25 mars 2011: le « Pacte pour l’euro-plus »
Surtout connu pour avoir fixé les modalités de fonctionnement du futur Mécanisme européen de stabilité, le Sommet a également été l’occasion pour les chefs d’Etat et de gouvernement d’adopter le « Pacte pour l’euro plus ».
Méconnu, ce Pacte a pourtant une grande importance pour comprendre les réformes de la gouvernance économique engagées depuis plusieurs mois.
Parmi les engagements adoptés, on peut lire que les États européens « s’engagent à traduire dans leur législation nationale les règles budgétaires de l’UE figurant dans le Pacte de stabilité et de croissance. Les États membres conserveront le choix de l’instrument juridique à utiliser mais veilleront à ce qu’il soit par nature suffisamment contraignant et durable(par exemple: la Constitution ou une législation cadre. […] »
En signant le Pacte pour l’euro plus, l’État français s’est donc engagé à inscrire dans le droit national le respect des critères de stabilité: un déficit budgétaire limité à 3% du PIB et une dette limitée à 60% du PIB.
C’est peut-être ce qui peut expliquer, au moins partiellement, la motivation du gouvernement Fillon d’engager une réforme constitutionnelle relative à l’équilibre des finances publiques
Juillet 2011: l’échec des lois-cadres d’équilibre des finances publiques
Les français sont en vacances pendant que les parlementaires s’achoppent sur le projet de loi constitutionnelle relatif à l’équilibre des finances publiques. Partout on entend parler de la fameuse « règle d’or ».
Présentée de manière simplifiée dans les médias comme l’introduction dans notre Constitution de l’obligation de présenter des budgets annuels en équilibre, le projet de loi était en réalité plus subtil.
Conformément à l’objectif constitutionnel d’équilibre des finances publiques, inscrit à l’article 34 de la Constitution depuis la révision du 23 juillet 2008, l’article 1er du projet de loi constitutionnelle prévoyait la création d’une nouvelle catégorie de lois :les lois-cadres d’équilibre des finances publiques.
Les lois-cadres d’équilibre des finances publiques se substitueraient aux lois de programmation des finances publiques (mises en place par la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008).
Ces lois s’appliqueraient sur une période d’au moins trois ans et fixeraient pour chaque année un objectif constitué d’un maximum de dépenses et d’un minimum de recettes s’imposant aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale.
Le Sénat n’ayant pas voté conforme, c’est-à-dire sans modification, le texte, comme le souhaitait l’exécutif, les conditions de réunion du Congrès n’étaient pas réunies. Surtout, la majorité des 3/5ème n’était de toute façon pas au rendez-vous pour permettre la ratification de la loi constitutionnelle par le Congrès.
Cette difficulté d’adoption avait conduit au retrait du projet de loi.
A l’époque, beaucoup de commentateurs auraient pu, s’ils s’étaient plongés dans le projet de réforme, mettre en avant les contradictions du PS.
François Hollande indiquait ainsi sa position: «Ma démarche, c’est de faire voter au lendemain de la présidentielle une loi de programmation qui respectera nos objectifs européens de réduction de déficit.» Une règle d’or, mais qui ne serait pas inscrite dans la Constitution. (Le Figaro)
En réalité, François Hollande expliquait déjà qu’il refusait de remplacer les lois de programmation par des lois-cadres, mais était tout à fait disposé à renforcer les premières.
Ca tombe bien: deux textes supra-nationaux enjoignent désormais la France d’inscrire dans sa réglementation nationale la règle de l’équilibre des comptes publics
– Le Pacte budgétaire ou Traité sur le Stabilité, la Coordination et le Gouvernance de l’Union économique et monétaire
L’article 3 du Pacte prévoit l’inscription du principe de l’équilibre dans les législations nationales.
Les règles budgétaires doivent être introduites dans la législation nationale, dans un délai d’un an suivant l’entrée en vigueur du Traité, sous forme de dispositions contraignantes et permanentes, de préférence constitutionnelles.
– Le règlement européen relatif au suivi et l’évaluation des projets de plans budgétaires et pour la correction des déficits excessifs
L’article 4 de ce règlement, tel qu’adopté récemment par le Parlement européen, prévoit l’obligation pour les Etats membres de la zone euro d’adopter « des règles budgétaires chiffrées qui inscrivent dans le processus budgétaires national » le retour à l’équilibre structurel des comptes publics.
Désormais, le gouvernement se heurte à plusieurs contraintes:
– une contrainte juridique
Même si l’article 34 de la Constitution prévoit que les lois de programmation doivent s’inscrire « dans l’objectif d’équilibre des comptes des administrations publiques », il est évident que ce cadre n’est pas suffisamment précis pour correspondre aux obligations fixés par les deux textes supra-nationaux.
Est-ce que l’actuelle loi organique relative au finances publiques (LOLF) suffirait pour l’inscription de la règle d’or budgétaire? Si son caractère suffisamment contraignant paraît convenir, il en va différemment de son caractère permanent.
En effet, contrairement à une réforme constitutionnelle (qui nécessite la majorité des 3/5 des parlementaires), une loi organique peut être modifiée plus facilement.
Le Conseil constitutionnel français sera bientôt saisi pour connaître la rédaction la plus appropriée.
– une contrainte politique
La nouvelle majorité doit d’ores et déjà s’atteler sur un travail de communication particulièrement ardu: non seulement expliquer aux français que le Pacte budgétaire et sa règle d’or n’ont pas été renégociés, contrairement à ce que le discours de campagne laissait entendre; mais également faire adopter une réforme budgétaire bien plus stricte que celle qui était proposée par Nicolas Sarkozy en juillet 2011.
Et, s’il s’avérait qu’une réforme constitutionnelle était indispensable, le gouvernement devra compter sur les voix de l’UMP pour réunir la majorité des 3/5 nécessaire lors de la réunion du Congrès.
Que François Bayrou se console donc… Lui qui appellait de ses voeux la règle d’or budgétaire depuis plusieurs années n’aura pas le plaisir de la voter, mais pourra compter sur les parlementaires de droite comme de gauche.
– Le Pacte budgétaire ou Traité sur le Stabilité, la Coordination et le Gouvernance de l’Union économique et monétaire
– La saisine du Conseil constitutionnel
[box]Merci d’avance à tous ceux qui publient/relaient mes articles. Merci cependant de sélectionner un extrait et de mettre le lien vers l’article original! Magali[/box]
Depuis l’écriture de cet article:
– le Conseil Constitutionnel a rendu sa décision:
* Pacte budgétaire: aucune réforme constitutionnelle n’est nécessaire [décryptage de la décision du Conseil] (09/08/2012)
* et Règle d’or: le gouvernement échappe au Congrès grâce à une rédaction obscure de la Constitution (18/09/2012)
– la règle d’or a été adoptée par une large majorité de nos parlementaires:
* Les parlementaires votent la règle d’or et oublient leur opposition au Traité budgétaire
– cette règle d’or est entrée en vigueur le 1er mars 2013:
* 1er mars 2013: entrée en vigueur de la règle d’or « à la française » (01/03/2013 publié dans : TSCG )
Laisser un commentaire