Les parlementaires votent la règle d’or et oublient leur opposition au Traité budgétaire

Assemblée nationaleCette semaine, alors que les français (et, dans une moindre mesure, les médias!) se sont passionnés pour le duel Fipé-Collon, le Parlement français a terminé d’adopter la règle d’or budgétaire découlant du fameux Traité budgétaire.

Celle-ci est en effet inscrite dans une loi organique que je vais vous résumer ci-dessous.

Surtout, il est intéressant de regarder de plus près le vote de nos chers parlementaires dont certains, trop soucieux de l’avis de leurs électeurs lors du vote du Traité, n’ont pas cependant jugé utile de confirmer leur opposition à l’austérité.

Rappel:
Le Pacte budgétaire, ratifié par le Parlement français début octobre, prévoit en son article 3 différents éléments devant être introduits dans le droit national:
– le principe de l’équilibre des comptes des administrations publiques
l’équilibre des finances publiques: les Etats doivent parvenir à leur objectif budgétaire à moyen terme, c’est à dire un déficit structurel limité à 0,5% du PIB
– la création d’un Conseil budgétaire indépendant
– la mise en place d’un mécanisme de correction automatique si l’Etat s’éloigne de cet objectif

En aout,le Conseil constitutionnel a décidé que l’inscription du principe de l’équilibre des finances publiques pouvait s’effectuer dans une loi organique et non dans la Constitution elle même.
Contrairement à la pratique habituelle, la Constitution ne fait pas expressément référence à cette nouvelle loi organique.
François Hollande a échappé ainsi à la douloureuse réforme constitutionnelle qui nécessite de réunir les parlementaires en Congrès.

Ce rappel étant effectué, vous êtes en mesure de comprendre la construction de la loi organique, divisée en trois chapitres.

CHAPITRE Ier : DISPOSITIONS RELATIVES AUX LOIS DE PROGRAMMATION DES FINANCES PUBLIQUES

Par ce chapitre, la loi organique confie aux lois de programmation le soin de faire respecter la limitation du déficit structurel.
Ces dernières, votées tous les trois ans, construisent en quelque sorte un « tunnel » dans lequel doivent évoluer les lois de finances votées chaque année.

Ainsi, la réforme ajoute de nouvelles obligations qui devront être prises en compte lors de la rédaction des lois de programmation.
Ce renforcement des lois de programmation est plutôt caucasse de la part d’un gouvernement socialiste qui, lorsqu’il était encore dans l’opposition, a mené la fronde contre la création de celles-ci par Nicolas Sarkozy en 2008.
A cette occasion, l’ancien Président de la République n’avait pas craint de réunir le Congrès pour incrire dans la Constitution la référence aux lois de programmation.
Il faut croire que le Parti socialiste préfère la discrétion quand il s’agit de renforcer la discipline budgétaire.

CHAPITRE II : DISPOSITIONS RELATIVES AU HAUT CONSEIL DES FINANCES PUBLIQUES ET A SON INTERVENTION TOUT AU LONG DU PROCESSUS BUDGETAIRE

La loi organique prévoit ensuite, suivant logiquement les prescriptions du Pacte budgétaire, la création d’un « Conseil budgétaire indépendant ».
Le Haut Conseil des finances publiques sera chargé de veiller constamment à ce que les comptes publiques ne s’écartent pas trop du « tunnel » défini par la loi de programmation.

CHAPITRE III : DISPOSITIONS RELATIVES AU MECANISME DE CORRECTION AUTOMATIQUE

Le projet de loi organique n’est pas très précis quant aux modalités concrètes de ce mécanisme. Il renvoie aux lois de programmation le soin de le définir, indiquant seulement dans quel contexte il peut être enclenché.
Il reste donc à savoir si les dispositions prévues par le gouvernement seront suffisamment précises aux yeux des rédacteurs du Traité. Dans le cas contraire, la CJUE pourrait être saisie (par la Commission européenne notamment).

L’approbation de cette nouvelle loi par le Parlement français a duré un peu plus d’un mois:

– le 19 septembre, le gouvernement transmettait le projet de loi à l’Assemblée nationale et engageait ainsi une procédure accélérée (c’est désormais la norme en matière de texte « européen »)

– le 10 octobre, après plusieurs jours de débat en Commission et plénière, l’Assemblée nationale adopte un texte quelque peu amendé

– le texte est transmis au Sénat qui l’amende à son tour et l’approuve le 30 octobre dernier

– Une commission mixte paritaire est convoquée afin de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion entre les deux chambres parlementaires.

Ce texte, définitif, est adopté par les députés le 19 novembre, puis par le Sénat le 22 novembre.

Conformément à l’article 61 de la Constitution, le gouvernement vient de saisir le Conseil constitutionnel qui doit désormais vérifier la conformité du texte avec la Constitution.

Regardons maintenant de plus près les votes de nos parlementaires.

Plus précisément: les parlementaires n’ayant pas voté pour la ratification du Pacte budgétaire ont-ils voté contre la loi organique chargée de sa mise en oeuvre?

Voici, en noir ceux qui ont maintenu leur position, en bleu ceux qui sont passés de l’opposition à l’abstention, en rouge ceux qui sont passés à l’approbation.

Par exemple: 

– Madame Bechtel (vice-présidente du MRC), qui avait voté contre la ratification du TSCG, a voté contre la loi organique

– Monsieur Mamère (écologiste), qui avait également voté contre la ratification du TSCG, s’est pourtant abstenu au sujet de la loi organique instituant la règle d’or 

– Madame Lienemann (socialiste), qui s’était faite remarquer par son opposition bruyante au Traité, a préféré voté pour la règle d’or budgétaire.

Je ne me suis attachée qu’aux parlementaires dits de « gauche ».

 

  • A l’Assemblée nationale

– Coté socialiste:

Contre: 

M. Pouria Amirshahi, Mme Marie-Françoise Bechtel, M. Jean-Pierre Blazy, Mmes Fanélie Carrey-Conte, Nathalie Chabanne, MM. Pascal Cherki, Henri Emmanuelli, Mme Linda Gourjade, MM. Jérôme Guedj, Razzy Hammadi, Mathieu Hanotin, Christian Hutin, Mme Chaynesse Khirouni, MM. Jean-Luc Laurent, Christophe Léonard, Michel Pouzol, Mme Marie-Line Reynaud, M. Denys Robiliard, Mme Barbara Romagnanet M. Gérard Sebaoun.

Abstention: 

Mme Isabelle Bruneau, MM. Olivier Dussopt, Daniel Goldberg, Régis Juanico, Jean-Philippe Mallé, Mmes Dolores Roqué, Suzanne Tallard, MM. Stéphane Travert et Michel Vergnier.

 – Coté écologiste:

 Contre:

Mmes Laurence Abeille, Brigitte Allain, Isabelle Attard, M. Denis Baupin, Mme Michèle Bonneton, MM. Sergio Coronado, François-Michel Lambert, Noël Mamère, Mmes Véronique Massonneau, Barbara Pompili, M. François de Rugy et Mme Eva Sas.

Abstention:

Mme Danielle Auroi et M. Paul Molac.

 – Coté « gauche radicale »

Contre:

M. François Asensi, Mme Huguette Bello, M. Alain Bocquet, Mme Marie-George Buffet, MM. Jean-Jacques Candelier, Patrice Carvalho, Gaby Charroux, André Chassaigne, Marc Dolez, Mme Jacqueline Fraysse, MM. Alfred Marie-Jeanne, Jean-Philippe Nilor et Nicolas Sansu.

 Abstention:

M. Gabriel Serville

  • Au Sénat

Contre:

Aline Archimbaud, Pierre-Yves Collombat, Thierry Foucaud, Marie-Noëlle Lienemann, Éliane Assassi, Cécile Cukierman, Alain Fouché, Hélène Lipietz, Marie-France Beaufils, Jean-Pierre Godefroy, Isabelle Pasquet, Esther Benbassa, Annie David, Brigitte Gonthier-Maurin, Daniel Percheron, Michel Billout, Michelle Demessine, Joël Labbé, Jean-Vincent Placé, Éric Bocquet, Évelyne Didier, Pierre Laurent, Mireille Schurch, Jean-Pierre Chevènement, Christian Favier, Gérard Le Cam, Paul Vergès, Laurence Cohen, Guy Fischer, Michel Le Scouarnec, Dominique Watrin

Abstention:

Kalliopi Ango Ela, Corinne Bouchoux, Jean Desessard, Robert Hue, Marie-Christine Blandin, Ronan Dantec

Au total, 45 parlementaires, qui s’étaient opposés ou abstenus lors du vote sur la ratification du Pacte budgétaire, ont finalement choisi d’approuver la règle d’or budgétaire inscrite dans la loi organique.

Contactée sur ce point, Marie-Noëlle Lienemann a justifié sa position en indiquant que la loi organique pourrait être – contrairement au Traité – modifiée par une simple loi au Parlement. Cette justification parait bien légère lorsque l’on sait que la loi organique ne fait que mettre en place des dispositions strictement conformes au Traité. Les marges de manoeuvre sont, à ce titre, quasi-inexistantes.

Une incohérence des votes qui n’est pas sans rappeler l’épisode du Traité de Lisbonne où certains parlementaires, soucieux de montrer au peuple leur désapprobation lors de la réforme constitutionnelle au Congrès, n’ont pas hésité à ratifier le Traité une fois retournés dans leur hémicycle respectif.

[box]Merci d’avance à tous ceux qui publient/relaient mes articles. Merci cependant de sélectionner un extrait et de mettre le lien vers l’article original! Magali[/box]


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