La réforme des parrainages de candidats à la présidentielle était une des promesses de campagne de François Hollande.
Le 7 février 2012, alors que Marine le Pen informait de ses difficultés à rassembler les 500 parrainages requis, celui qui est désormais Président évoquait alors la piste du parrainage citoyen : « je suis pour, le moment venu, changer ces règles de présentation », pour « que des citoyens puissent parrainer dans certaines circonstances ».
Onze mois plus tard, jour pour jour, le Président renonce à la réforme, jugeant finalement cette mesure trop compliquée à mettre en œuvre, sans pour autant proposer de pistes alternatives.
C’était pourtant la première proposition du rapport Jospin (« Pour un renouveau démocratique ») qui, considérant que le système actuel ne prémunissait ni contre la présence d’un nombre élevé de candidatures, ni n’assurait au courants significatifs la certitude d’être présent au second tour, proposait de confier le parrainage à 150000 citoyens.
Selon Le Monde, François Hollande a évoqué en revanche la préparation d’un projet de loi visant à « assouplir les règles d’accès des candidats aux médias, en particulier lors de la période dite ‘intermédiaire‘« . Une réflexion qui fait suite aux propositions du rapport Jospin et qui, si elle laisse penser à une amélioration, constitue en réalité un recul du principe d’égalité.
Durant la période « intermédiaire », qui s’ouvre avec la publication de la liste des candidats par le Conseil constitutionnel et qui se termine à la veille de la campagne officielle, les rapporteurs souhaitent désormais généraliser le principe d’équité, défini par le CSA en fonction de la représentativité des candidats.
Une promesse de réforme faussement progressiste donc et qui, surtout, ne règle en rien le problème de la difficile réunion des 500 parrainages. A vouloir trouver une solution médiatique, il conviendrait de s’attacher à une réforme de la période dite « préliminaire » (avant que la liste des candidats ne soit arrêtée).
Or, le rapport Jospin a explicitement exclu une remise en cause du principe d’équité qui prévaut lors de cette période et qui permet aux médias d’inviter qui bon leur semblent en fonction de 1/ sa représentativité politique, et 2/ sa « capacité à manifester concrètement l’intention d’être candidat par une pré-campagne dynamique ». Encore faudra-t-il expliquer aux »petits » candidats le mode d’emploi d’une campagne dynamique quand on n’a pas l’accès aux médias.
C’est le serpent qui se mord la queue.
Mais j’en viens désormais au sujet auquel je souhaite consacrer cet article: la réforme de la composition du Conseil constitutionnel.
Parmi les 60 engagements de campagne de François Hollande figurait la promesse visant à « mettre un terme à l’entrée automatique des présidents de la République au Conseil constitutionnel ». Une proposition figurant également dans le rapport Jospin (« supprimer la catégorie des membres de droit du Conseil constitutionnel ») et qui nécessite l’abrogation du deuxième alinéa de l’article 56 de la Constitution.
Le 7 janvier dernier, François Hollande a confirmé la mise en œuvre de cette réforme en annonçant le dépôt prochain d’une révision constitutionnelle.
Parmi les éléments avancés justifiant cette réforme figure notamment le risque de confusion entre fonctions juridictionnelles et fonctions politiques, risque accentué par la transformation du Conseil constitutionnel qui, depuis 2008 avec la mise en œuvre de la procédure de la Question prioritaire de constitutionnalité , est devenue une quasi-Cour constitutionnelle.
Désormais, les Sages n’ont plus pour seule vocation de contrôler la constitutionnalité d’un texte lors de son examen par le Parlement, mais peuvent également venir censurer un texte déjà promulgué. Une sorte de Cour Suprême, chargée de défendre un citoyen estimant qu’une disposition législative porte atteinte à ses « droits et libertés que la Constitution garantit ».
Photo: site Conseil constitutionnel
Une transformation des missions du Conseil qui conduit donc à s’interroger sur la pertinence de sa composition.
En considérant une certaine « juridictionnalisation » de la fonction du Conseil, beaucoup se demandent si, désormais, les Sages ne devraient pas nécessairement faire état d’une formation juridique.
Il faut noter qu’à ce jour, aucune condition de compétence juridique des membres du Conseil constitutionnel n’existe, la France faisant ainsi figure d’exception en Europe.
Malgré tout, les cas de nomination de membres n’ayant aucune compétence juridique sont quasi-inexistante en France. On peut citer Dominique Schnapper, docteur en sociologie.
C’est l’objet de la proposition de réforme constitutionnelle, déposée en mai dernier par quelques sénateurs, qui visait à introduire la disposition suivante: « Ses membres doivent justifier d’une compétence juridique reconnue » et à ajouter trois membres, désignés par leurs paires, issus du Conseil d’État, de la Cour de Cassation et de la Cour des Comptes.
D’autres, en revanche – comme moi –,continuent de penser la fonction de Conseiller constitutionnel comme éminemment politique, compte tenu de la nécessité d’interpréter les dispositions constitutionnelles en fonction des valeurs actuelles et de l’idéologie de chacun.
Selon Anne-Marie le Pourhiet, « le rôle du Conseil constitutionnel, qu’il soit saisi par les autorités politiques avant la promulgation de la loi, ou après celle-ci à l’initiative de justiciables individuels ou collectifs, consiste donc à confronter la compatibilité d’un choix politique à un autre choix politique plus élevé et pérenne ».
« Qu’est-ce donc qu’une Constitution si ce n’est l’acte idéologique par excellence? »(1)
Par voie de conséquence, il paraît évident qu’un Conseil constitutionnel composé majoritairement de personnalités de gauche n’ait vraisemblablement pas la même lecture juridique du principe d’égalité devant l’impôt, ou encore du concept de souveraineté nationale, que des Sages classés à droite.
Surtout, il n’est pas nécessaire, selon moi, d’être agrégé de droit public pour savoir définir des principes constitutionnels tels que l’égalité, la liberté, le droit au logement, à la santé, etc.
A la question « Quelles compétences? », Anne-Marie le Pourhiet est, une fois encore, loin du discours commun: « Quel type de compétence particulière faut-il détenir pour vérifier, par exemple, la compatibilité de l’article 544 du Code civil avec les articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789? A priori aucune, un enfant saurait constater l’identité d’inspiration de ces textes, mais un historien ou un philosophe pourrait mieux encore en analyser la commune substance. […] On ne voit donc pas en quoi d’anciens parlementaires ou ministres seraient par nature moins compétents en la matière que des professeurs de droit, des avocats ou des magistrats »(1).
En revanche, je concède bien volontiers que la complexité des textes légaux qui sont portés au regard des Sages rend bien difficile le fait de confier le contrôle constitutionnel au premier citoyen venu.
De fait, ce n’est pas tant la mission du Conseil qui est en cause, mais bien la complexité croissante du droit. Cette complexité met en lumière, de façon générale, le grave problème de la compréhension du droit par les citoyens, et donc de la démocratie.
Seule cette complexité pourrait donc conduire à reconnaître, à contre-coeur, la nécessaire compétence juridique des membres du Conseil.
Certains, au contraire, pensent trouver dans la professionnalisation de la fonction un remède à la nomination de personnalités dont ils contestent l’idéologie. Une solution qui n’est pas particulièrement constructive si elle ne s’accompagne pas de nouvelles modalités de désignation.
Proposer la professionnalisation des membres du Conseil est donc, selon moi, une fausse et une mauvaise solution:
– fausse, car il ne suffit pas d’être professeur de droit pour se détacher de toute idéologie (2),
– mauvaise, car elle consiste à penser que les décisions des Sages devraient se détacher de toutes considérations politiques, chose qui est à la fois impossible et non-souhaitable.
C’est avant tout le pluralisme politique qu’il convient de défendre.
Car, si je reconnais bien volontiers le caractère politique de la fonction, je suis d’autant plus attachée à une réforme des modalités de nomination permettant de garantir un pluralisme le plus abouti possible.
C’est que Anne-Marie le Pourhiet indique en d’autres termes: « Partant du constat que les dispositions constitutionnelles relatives aux droits et libertés sont toujours vagues, utilisant naturellement des termes aux contours imprécis et au contenu relatif tels qu’égalité, nécessité, ou, plus subjectif encore, dignité, il convient de composer l’institution de contrôle de telle sorte que les jugements de valeur qu’elle est contrainte de porter ne constituent pas une atteinte manifeste et illégitime à la démocratie »(1).
Actuellement, et depuis la création du Conseil constitutionnel en 1959, les neuf Sages sont nommés, pour tiers, respectivement par: le Président de la République, le Président de l’Assemblée nationale, le Président du Sénat.
Depuis la réforme constitutionnelle de 2008 (mise en œuvre via la loi organique de 2010), les nominations peuvent faire l’objet d’un véto parlementaire. Le système fonctionnera pour la première fois cette année (année de renouvellement de certains membres).
Des modalités de désignation qui, de fait, laissent planer le doute sur l’indépendance politique des membres et sur le pluralisme idéologique du Conseil.
Récemment, la censure de la taxation à 75% a été vivement critiqué par le député Jean-Christophe Cambadélis, estimant qu’ « un Conseil Constitutionnel de droite réagit comme la droite », mais se gardant bien de proposer des pistes de réforme garantissant la neutralité des membres qu’il appelle de ses vœux.
Nous verrons si, le mois prochain, date du prochain renouvellement de membres du Conseil constitutionnel, le député Cambadélis trouve quelque chose à redire sur le manque de neutralité de la nomination d’une personnalité de gauche au Conseil.
Je me répète: la neutralité n’est ni souhaitable, ni même possible, c’est le pluralisme qu’il faut défendre.
A cet égard, je souhaitais porter à votre connaissance la récente proposition de réforme constitutionnelle déposée le 7 décembre 2012 par Marion Maréchal Le Pen et Gilbert Collard (3).
Les deux députés souhaitent non seulement professionnaliser la fonction mais également retirer les pouvoirs nomination aux institutions actuelles, confiant au sort le soin de désigner les Sages:
« Le Conseil Constitutionnel est composé de seize membres, nommés pour huit années. Leur mandat n’est pas renouvelable.
Ils sont désignés par tirage au sort, à raison de huit membres tous les quatre ans : deux parmi les Conseillers d’État en service ordinaire, deux parmi les Conseillers à la Cour de Cassation, deux parmi les Conseillers Maîtres à la Cour des Comptes, deux parmi les professeurs des universités agrégés de droit public. »
Une proposition particulièrement intéressante, quant aux modalités de nomination, même si elle nécessite tout de même de s’interroger sur les modalités de nomination, en amont, des Conseillers mentionnés.
Les membres du Conseil depuis 1959
(1) « Réformer la composition du Conseil constitutionnel? Pas de changements importants à apporter mais… » par Anne-Marie le Pourhiet dans Revue de droit d’Assas, n°5, février 2012.
(2) « Quant à prétendre que la nomination d’un magistrat, d’un universitaire ou d’un avocat exclurait tout critère idéologique, c’est vraiment faire montre d’une naïveté (ou d’une perversité) stupéfiante » (Anne-Marie le Pourhiet)
(3) Une proposition de loi qui, à ce jour, n’est curieusement pas encore édité sur le site de l’Assemblée nationale. Je me suis donc appuyée sur les éléments publiés sur le site du Front national.
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