Marché transatlantique: accélération des négociations

Nicole Bricq à Dublin (17 avril 2013)Il y a un peu plus de deux ans, j’apprenais l’existence de négociations visant à la création d’un marché transatlantique grâce aux travaux du blog « La théorie du tout« . Une mine d’or pour tous ceux qui s’intéressent à ce sujet.

Je m’étais alors attelée à l’écriture d’une synthèse de tous les éléments rapportés sur ce blog. Une synthèse dont je vous conseille vivement la lecture, ainsi que le dossier sur lequel elle s’appuie, afin de comprendre les fondements historiques et idéologiques de ce projet encore méconnu.

Surtout, j’invite tous les lecteurs à consacrer un peu de leur temps à l’écoute de cette conférence en ligne, entièrement consacrée au marché transatlantique.

Ce nouvel article se veut à nouveau être une synthèse des derniers éléments d’actualité publiés sur le sujet.

Une accélération du calendrier

Si le projet de libre échange commercial entre les États-Unis et l’Union européenne semblait battre de l’aile depuis quelques années, ces derniers mois ont connu une accélération du calendrier.

Une consécration du travail mené depuis 2009 par le commissaire européen au Commerce, Karel de Gucht, qui en a fait selon le site Challenge.fr, « le grand projet de son mandat« .

Une volonté de tenir le calendrier établi par le Parlement européen dans une résolution de juin 2006 dans laquelle il souligne « l’impérieuse nécessité » de « parachever, sans entrave, le marché transatlantique d’ici à 2015 ».

Toujours selon le blog La théorie du tout, on apprend que le Conseil Européen des 18 et 19 octobre 2012 avait été l’occasion pour les gouvernements européens « de remettre sur la table l’ambition d’arriver à un accord commercial global avec les Etats-Unis au plus vite, en lançant des négociations dès 2013« .
Quelques jours plus tard (23 octobre) le Parlement européen votait à « une très large majorité une résolution encourageant les gouvernements européens et américains à continuer ».

Plus récemment, lors du Conseil européen des 7 et 8 février, les chefs d’États ont indiqué attendre « avec intérêt le rapport et les recommandations du groupe de travail » et ont invité « la Commission à donner suite sans tarder à ces recommandations au cours de la présidence actuelle« . Il rappelle qu’il est favorable à un accord commercial global dans lequel « il conviendrait d’accorder une attention particulière aux moyens de parvenir à une plus grande convergence transatlantique en matière de réglementation« .

Une ambition récompensée le 11 février dernier, par la remise du rapport final du groupe de travail de haut niveau sur l’emploi et la croissance. Ce groupe de travail, présidé par Monsieur Ron Kirk, représentant des États-Unis pour les questions commerciales, et par Monsieur Karel de Gucht, avait été créé lors du sommet du 28 novembre 2011.
Ce rapport appelle au lancement des négociations entre les deux parties et décrit notamment les domaines dans lesquels l’Union européenne et les États-Unis ont trouvé un terrain d’entente.

Le contenu de l’accord

D’après un communiqué de presse de la Commission européenne, l’Union européenne et les États-Unis ne veulent pas seulement supprimer les droits de douane. En effet, les taux que chaque partie applique à l’autre sont déjà peu élevés (4 % seulement en moyenne), « de sorte que les principaux obstacles aux échanges se situent après la frontière: réglementations, obstacles non tarifaires et contraintes administratives inutiles« .
En harmonisant leur réglementation, l’objectif est par ailleurs de créer une référence pour l’élaboration des règles mondiales.

D’après les dernières estimations, les gains économiques annuels attendus seraient de l’ordre de 0,5% du PIB pour l’Union européenne (soit environ 86 milliards d’euros).

Pour plus d’informations à ce sujet, je vous conseille la lecture du communiqué de presse de la Commission du 12 mars 2012 ainsi que de l’article du site Europaforum.lu.
Les plus motivés d’entre vous sont invités à prendre connaissance du projet de mandat de négociation donné à la Commission européenne.

La préparation des négociations

Le 12 mars 2013, la Commission européenne a approuvé le projet de mandat concernant la conclusion avec les États-Unis de l’accord appelé «Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement», donnant ainsi le coup d’envoi aux négociations.
Le projet de mandat va maintenant être transmis au Conseil, les États membres devant l’approuver pour que les négociations puissent commencer.
Le Congrès américain est également saisi.
L’objectif est rendre actif le mandat dès le mois de juin 2013.

Les ministres du commerce des États européens se sont également réunis les 17 et 18 avril dernier. Monsieur Karel de Gucht a également participé à la réunion ainsi que le conseiller américain au commerce international: Monsieur Mike Froman. C’est la première fois qu’un représentant du gouvernement américain a pu discuter directement avec les ministres européens des relations commerciales entre l’Union européenne et son pays.
Selon le communiqué de presse de la présidence Irlandaise (1), cet événement fait suite à « une série de réunions de haut niveau à Washington entre le ministre irlandais (Bruton) et les personnalités clés du gouvernement américain« .

« Ce qui a changé à mon avis, c’est que dans toute l’Europe, ils ont du mal à trouver la recette de la croissance en ce moment, en partie à cause des mesures d’austérité (et) en l’absence d’un volet commercial plus ambitieux »

(Barack Obama devant son conseil des exportations, le 12 mars 2013)

Le Parlement européen s’est également saisi du sujet: lors de la séance plénière de fin mai, les députés devraient se prononcer sur une résolution relative au mandat donné à la Commission.
La proposition de texte invite le Conseil « à suivre les recommandations figurant dans le rapport final du groupe de travail et à autoriser, dans les plus brefs délais, la Commission à entamer les négociations« . Il est rappelé que l’accord ne devra comporter « aucun risque pour la diversité culturelle et linguistique de l’Union » ainsi qu’ « une protection solide des droits de propriété intellectuelle (DPI)« . Il devra également « tenir compte des aspects liés à l’environnement et à l’emploi« .
Surtout, le Parlement européen invite les parties à ne pas l’exclure des principales étapes de la négociation en rappelant qu’il devra, dans tous les cas, bel et bien donné son approbation à l’accord définitif.
Enfin, les « brefs délais » ne doivent pas porter atteinte à la qualité de l’accord: « Les négociateurs ne concluront pas hâtivement un accord qui n’apportera pas d’avantages concrets et substantiels à nos entreprises, à nos travailleurs et à nos citoyens« .

Une volonté de « prendre le temps » partagée par la ministre française, Nicole Bricq, venue prendre le pouls des eurodéputés le 16 avril dernier.

« Je sais que la Commission européenne souhaiterait lancer les négociations de ce partenariat transatlantique avant l’été mais toute précipitation dans cette négociation nuirait aux intérêts européens. […] Cet accord entre les deux premières puissances commerciales du monde représente un enjeu normatif et démocratique majeur. La qualité du mandat que nous allons donner à la Commission est donc fondamental« 

(Nicole Bricq, 16 avril 2013)

 La position française

« Je défendrai un accord respectueux de nos valeurs, de la vision européenne de la culture, de notre modèle agricole et favorisant la transition écologique et énergétique. Je veillerai à ce que la France fasse entendre ses intérêts« 

(Nicole Bricq, 13 février 2013)

A l’issue de la réunion du Conseil « commerce » des ministres européens, un communiqué de presse français faisait état de divergences persistantes sur le contenu du mandat de négociation entre les différentes parties.

La France a d’ores et déjà indiqué certaines « lignes rouges »: des domaines devant être exclus des négociations afin d’obtenir l’aval de Paris.
Parmi ces domaines, se situe notamment:

l’audiovisuel
Rejoignant ainsi les réserves indiquées par les eurodéputés, la France appuie la volonté d’exclure les services audiovisuels du mandat de la négociation. Un souhait partagé également par les députés français de la Commission des affaires européennes qui ont, le 9 avril dernier, adopté une résolution relative au respect de l’exception culturelle dans le cadre des négociations.

la défense
« Nous avons la volonté avec d’autres États membres d’exclure de la négociation tout ce qui traite de la défense » (Nicole Bricq, 23 avril 2013). La ministre n’entend pas ouvrir notre marché alors que les marchés publics américains sont encore très fermés.

La Commission européenne souhaite, quant à elle, entamer les négociations « sans exclure de secteurs » même si elle émet quelques réserves en matière agricole.

Monsieur Barroso a notamment indiqué ne pas vouloir « faire de concessions sur les OGM ou les hormones« . A ce sujet, Karel de Gucht a également garanti qu’ « en ce qui concerne les OGM » « notre législation restera en place« .

Une information qui n’est pas particulièrement rassurante puisque la réglementation européenne n’institue aucun moratoire sur les OGM (Directive 2001/18/CE relative à la dissémination volontaire d’organismes génétiquement modifiés dans l’environnement)
Concernant les hormones, la position américaine n’est pas non plus franchement rassurante: les deux partie viennent tout récemment de mettre fin à un conflit  commercial datant de 1998 (année d’interdiction des importations de viande bovine issue d’animaux traités aux hormones de croissance par l’Union européenne). En échange du maintien de l’embargo, l’Union européenne a du accepter d’augmenter ses importations de « viande bovine de haute qualité ».

Pour plus d’informations sur le positionnement de notre ministre du commerce, je vous invite vivement à écouter l’émission de France culture du 17 avril dernier.

[box]Merci d’avance à tous ceux qui publient/relaient mes articles. Merci cependant de sélectionner un extrait et de mettre le lien vers l’article original! Magali[/box]

(1) Lors de la présidence irlandaise du Conseil de l’Union européenne, il incombe au ministre Richard Bruton de présider les réunions des Conseils « commerce » de l’UE.


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