Hier, le tribunal constitutionnel allemand a définitivement approuvé le Traité sur le Mécanisme européen de stabilité (MES).
Cette décision clôture le long parcours judiciaire entamé en 2012 par 37000 plaignants. Le 12 septembre 2012, quelques jours avant la mise en œuvre du MES, les juges de Karlsruhe avaient déjà émis un avis favorable sur l’instrument de soutien financier. En revanche, les juges avaient exigé certaines clarifications :
1°) L’inviolabilité des documents (articles 32 et 35 du Traité) et le secret professionnel des représentants du MES (article 34).
Si le Traité prévoit une obligation de communication du rapport annuel du MES aux Parlements nationaux (article 30), il convient de s’assurer que l’inviolabilité et le secret professionnel ne freinent pas les possibilités d’information du Bundestag.
2°) L’appel des fonds révisés augmentés (article 9 et 25 combinés du Traité) ne doit pas permettre un dépassement du plafond du capital-actions garanti par l’Allemagne, soit 190 milliards d’euros, sans approbation expresse du Parlement allemand.
Pour plus d’informations sur la décision de septembre 2012, je vous renvoie au décryptage publié sur ce même blog.
Alors que le Conseil constitutionnel français conclut toujours à la nécessité de réviser la Constitution française en cas de non conformité avec un Traité en cours de ratification, la Cour de Karlsruhe procède quant à elle de la logique inverse: préciser/modifier le Traité de façon à le rendre constitutionnel.
Ainsi, la ratification définitive du Traité MES n’a pu intervenir avant que le gouvernement allemand ait tenu compte des réserves émises.
Le 27 septembre 2012, une déclaration conjointe des membres du MES ainsi qu’une déclaration unilatérale de l’Allemagne ont permis d’assurer la conformité du mécanisme à la Constitution allemande.
L’irrecevabilité des plaintes constitutionnelles
La décision d’hier indique que les plaintes déposées sont, en partie, irrecevables. D’une part pour des questions de procédures que je ne suis en mesure de comprendre. D’autre, les plaintes relatives au système TARGET 2, au Six-Pack et au Pacte pour l’euro plus (également contestés en plus du MES) ne sont pas considérées comme suffisamment étayées : « Les plaignants n’ont pas suffisamment démontré en quoi cela pourrait conduire à une violation de la responsabilité budgétaire du Bundestag » .
L’appel des fonds révisés augmentés
Les juges de Karlsruhe reviennent sur les réserves émises lors de leur décision de 2012.
Concernant l’augmentation des fonds transférés ou garantis par l’Allemagne dans le cadre du MES, les juges rappellent de manière générale que le Parlement allemand « ne peut pas renoncer à son droit de décider sur le budget, même dans un système de gouvernance intergouvernementale » .
Le principe de la démocratie exige que le Bundestag allemand Bundestag demeure le lieu où des décisions autonomes sur les recettes et les dépenses sont prises, y compris celles relatives aux engagements internationaux et européens. Certes, il est avant tout dans le devoir du Bundestag de décider jusqu’à quel montant des garanties financières sont justifiables […]. Mais il résulte de la base démocratique de l’autonomie budgétaire que le Bundestag ne peut pas consentir à une garantie automatique intergouvernementale ou supranationale qui ne soit pas soumise à des exigences strictes et dont effets ne sont pas limités.
Les juges considèrent qu’il n’y pas de violation du principe démocratique par le transfert à des institutions internationales du pouvoir de décider de l’utilisation de fonds budgétaires. En revanche, les juges s’attachent à ce que « le processus démocratique reste ouvert » c’est à dire que « les modifications juridiques puissent se produire sur la base de décisions issues d’autres majorités [politiques] » . Il ne doit pas y avoir de choix politiques irréversibles.
Ainsi, il est indiqué que la déclaration conjointe du 27 septembre 2012 exclut les obligations de paiement illimitées. Il est également rappelé que, « en tout cas à l’heure actuelle » , aucune décision ne peut être prise au sein du MES sans l’aval de l’Allemagne (celle-ci disposant, comme la France et l’Italie, d’un droit de véto issu de son pourcentage de participation au capital).
Les juges envisagent également la possibilité d’une suspension du droit de vote de l’Allemagne dans le cadre du MES en cas de défaut de paiement. Une telle suspension, en ce qu’elle remettrait en cause la participation du Bundestag dans les décisions du MES, ne respecterait pas le droit allemand. Les juges suggèrent par conséquent que l’Allemagne soit toujours en capacité de verser au MES les sommes décidées.
L’inviolabilité des documents et le secret professionnel
Le Bundestag allemand a le droit d’être informé « complètement et le plus tôt possible » . Les dispositions relatives à la transparence doivent être interprétées de façon à ce qu’elles n’entravent pas un contrôle parlementaire suffisant du MES par le Bundestag.
La possibilité d’une interprétation différente a été exclue par la déclaration interprétative conjointe du 27 septembre 2012 ainsi que par la déclaration unilatérale de l’Allemagne.
* Les citations, traduites par mes soins, sont issus du communiqué de presse du Tribunal constitutionnel fédéral.
La décision complète est disponible ici.
[box]Merci d’avance à tous ceux qui publient/relaient mes articles. Merci cependant de sélectionner un extrait et de mettre le lien vers l’article original! Magali[/box]
Laisser un commentaire