La question des modalités de sortie de l’Union européenne est en effet une question qui déclenche les passions dans les rangs eurosceptiques.
Doit-on ou non faire usage de l’article 50 ? Peut-on uniquement abandonner l’euro ?
Face aux lourdeurs imposées par l’article 50 du TUE, beaucoup s’interrogent en effet sur la possibilité de trouver ailleurs des dispositions permettant de dénoncer les Traités. C’est ainsi qu’intervient dans le débat, et à juste titre, la possibilité d’user de la Convention de Vienne sur le droit des Traités.
Il faut savoir que la France n’est pas signataire de cette Convention. Cependant, les dispositions présentées ci-dessous sont, sauf erreur de ma part, des dispositions générales en droit public international.
« L’exit clause » ferme-t-elle l’accès aux autres options de sortie prévues par la Convention de Vienne ?
Autrement dit: L’article 50 du TUE est-il le seul moyen de se dégager des traités européens ?
L’article 56 de la Convention de Vienne dispose qu’ « Un traité qui ne contient pas de dispositions relatives à son extinction et ne prévoit pas qu’on puisse le dénoncer ou s’en retirer ne peut faire l’objet d’une dénonciation ou d’un retrait ».
Ainsi, le Traité sur l’Union européenne (TUE) prévoyant les modalités de retrait d’un État (article 50 du TUE), l’article 56 de la Convention n’est pas applicable.
Pour autant, la Convention prévoit un panel de dispositions concernant la nullité d’un traité, sa dénonciation, sa suspension ou encore son extinction.
Sont-elles également rendues caduques par l’existence de l’article 50 TUE ?
– Article 57 de la Convention : la suspension
Celle-ci est conditionnée aux dispositions du traité qui doit la prévoir (ce n’est pas le cas du TUE) ou aux consentements des autres parties au Traité. Cette dernière dispositions pourrait être envisagée mais, dans ce cas, une telle suspension ne relèverait plus d’une décision unilatérale.
– Article 62 de la Convention : le changement fondamental des circonstances
Ce principe de droit public signifie « qu’un traité est signé dans un cadre donné, et que si ce cadre change fondamentalement pour une des parties, elle ne saurait être contrainte à continuer à l’appliquer. » (Source)
Certains se demandent si, à ce titre, la grave crise économique pourrait justifier un arrêt de l’application des traités européens.
Cet article s’applique sous réserve des dispositions inscrites à l’article 45 de ladite Convention: un État ne peut plus invoquer une cause de nullité d’un traité, si « à raison de sa conduite, [il] doit être considéré comme ayant acquiescé à la validation du Traité » après avoir eu connaissance du changement fondamental de circonstances.
Ainsi, au regard de la conduite de la France depuis le déclenchement de la crise économique, l’article 62 ne pourrait trouver à s’appliquer.
On ne peut, plusieurs années après le début des difficultés, s’appuyer sur celles-ci pour prétendre un « changement fondamental des circonstances ».
Ainsi, à la question, l’article 50 du TUE est-il le seul moyen légal autorisant la France de se désengager des traités européens? La réponse est oui.
La sortie de l’euro : les traités européens peuvent-ils être remis en cause partiellement?
Autrement dit: peut-on sortir de l’euro sans sortir de l’Union européenne?
L’article 44 de la Convention de Vienne prévoit des règles relatives à la divisibilité des dispositions d’un traité.
Qu’en est-il ?
1°) Cet article pose le principe selon lequel le droit de dénoncer un traité, de s’en retirer ou d’en suspendre l’application ne peut être exercé qu’à l’égard de l’ensemble du traité, à moins que ce dernier n’en dispose autrement (ce n’est pas le cas en l’espèce, l’article 50 du TUE ne prévoyant qu’un retrait total).
En aucun cas la Convention de Vienne ne dispose que, dans le silence d’un Traité quant à la possibilité d’en dénoncer une partie seulement, les dispositions communes du droit public international viennent à s’appliquer.
Pire, comme vous l’avons vu précédemment, elle conditionne la dénonciation ou la suspension au fait que le Traité les prévoit explicitement et pose le principe de l’indivisibilité des traités.
2°) Deux dérogations sont cependant reconnues :
– l’une en cas de violation d’un Traité par une des parties (article 60) : l’autre partie peut alors suspendre ou dénoncer une partie du traité
– la seconde prévoit la possibilité du retrait ou de la dénonciation à l’égard de « certaines clauses déterminées » si :
• « il n’est pas injuste de continuer à exécuter ce qui subsiste du traité »
• « ces clauses sont séparables du reste du Traité en ce qui concerne leur exécution »
Une lecture stricte de cet article conduirait à refuser la divisibilité du Traité. En effet, l’exécution de l’euro ne peut s’entendre sans participation à l’Union européenne.
• « l’acceptation des clauses en question n’a pas constitué pour les autres parties une base essentielle de leur consentement à être lié par le traité »
Là aussi, une lecture stricte conduirait à dire que les partenaires de la zone euro n’aurait sans doute pas pris part au Traité « dans son ensemble » (c’est-à-dire à la zone euro) si la France avait fait mention de son désaccord à la mise en œuvre d’une monnaie unique. Sans la participation de la France, la zone euro n’aurait vraisemblablement pas existé.
Ainsi, à la question, peut-on sortir de l’euro sans sortir de l’Union européenne? La réponse serait non.
[box]Merci d’avance à tous ceux qui publient/relaient mes articles. Merci cependant de sélectionner un extrait et de mettre le lien vers l’article original! Magali[/box]
Cet article est la réédition d’un article paru en février 2012 sur ce même blog, en réponse au billet « Sortir de l’Europe? Pistes de réflexion et de solutions juridiques » par Cédric Mas
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