[box]Actualité : Le texte est passé en seconde lecture au Sénat le 30 octobre 2014. La petite loi prévoit toujours la suppression de l’obligation de référendum local. [/box]
[box]Jugeant cette réforme préoccupante, j’ai choisi de vous faire part de l’article publié par Mathieu Lavarenne, fervent opposant de la fusion des Haut et Bas-Rhin en une collectivité unique. Il nous alerte sur différents amendements, récemment adoptés par le Parlement, et visant à supprimer l’obligation du recours aux référendums locaux en cas de modification des limites d’une Région, de regroupement de Régions, de fusion de Départements ou encore de création d’un collectivité unique (Départements et Région fusionnés).
Désormais, la question ne concerne plus seulement l’Alsace. [/box]
Dès le mois de juillet 2013, trois mois après l’échec cuisant de la consultation référendaire en Alsace du 7 avril (abstention invalidante dans le Bas-Rhin et 55% de non dans le Haut-Rhin), un amendement avait discrètement été déposé à l’Assemblée Nationale, dans le cadre du projet de loi sur la création des métropoles, visant à supprimer la condition de référendum pour les fusions de collectivités départementales et/ou régionales. La majorité des députés alsaciens l’avait scandaleusement soutenu et aujourd’hui d’autres sortent du bois sans complexe. Mais le texte avait finalement été retiré au mois de décembre 2013, avec toutefois la promesse à peine voilée de retenter l’opération en 2014. Quand le peuple vote mal, on peut le faire revoter. On peut aussi supprimer le vote… Pire, les mêmes élus qui ont porté le projet en 2013 appellent aujourd’hui la forfaiture de leurs voeux, sans être repassés devant le suffrage. Mais pour qui vous prenez-vous ?
Le projet de loi relatif à la délimitation des Régions
A l’origine cette fois-ci, il y a le « projet de loi n°635 », « relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral », déposé devant le Sénat par le ministre de l’intérieur Bernard Cazeneuve, le 18 juin 2014.
Le jour-même, contre l’avis de la « Conférence des présidents du Sénat », le gouvernement engageait la « procédure accélérée » qui permet de réduire le calendrier et de se contenter d’une seule lecture dans chacune des chambres (Assemblée Nationale et Sénat), avant le passage devant la Commission Paritaire Mixte, suivi de l’adoption de la Loi.
Le gouvernement a toutefois annoncé qu’il souhaitait «laisser le temps à la discussion» et s’est «engagé» à ce qu’il y ait «deux lectures par chambre». La promesse sera-t-elle tenue ?
Le 4 juillet, le projet de loi est adopté par le Sénat . Derrière une prose sybilline, son article 3 a bel et bien pour finalité la « suppression de la condition de consultation obligatoire des électeurs en cas de modification des limites des régions et des départements, ainsi qu’en cas de fusion (fusion de régions, fusion de départements, fusion entre une région et les départements qui la composent) », selon un résumé sur le site du Sénat.
Le texte est transmis le 5 juillet à l’Assemblée Nationale où il sera discuté, modifié puis adopté le 23 juillet, à 261 voix contre 205. Après amendement, « à l’initiative du rapporteur » M. Carlos Da Silva (PS), l’article 3 prévoit toujours la « suppression de la condition de consultation obligatoire des électeurs en cas de fusion entre une région et les départements qui la composent pour constituer une collectivité territoriale unique ». Il modifie toutefois « la procédure de transfert d’un département de sa région d’origine vers une région limitrophe » (procédure dite du ‘droit d’option des départements’) : suppression de la condition d’approbation préalable des électeurs ; nécessité d’une majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés du conseil départemental du département concerné ainsi que des deux conseils régionaux des régions concernés ; procédure valable uniquement de 2016 à 2019.
Voici donc ce qui redonne des ailes aux partisans du Conseil Unique d’Alsace, malgré la méfiance, voire la défiance, et même l’opposition d’une majorité de citoyens, telles qu’elles se sont exprimées le 7 avril 2013.
A noter aussi que c’est dans la première version de ce projet de loi que l’Alsace se voyait fusionnée avec la Lorraine sa voisine. Et c’est dans la version adoptée par l’Assemblée Nationale le 23 juillet que la Champagne-Ardenne s’ajoutait aux deux autres régions.
« Rien n’est encore définitivement adopté »
Mais rien n’est encore définitivement adopté, le processus législatif n’est pas terminé : si le gouvernement respecte sa parole (encore un symptôme de cette profonde crise de confiance qui traverse le pays), il devrait y avoir encore une navette entre les deux assemblées. En l’état actuel, la loi oblige donc toujours à la consultation référendaire et les grandes régions ne sont pas encore créées (elles ne le seront au mieux qu’au 1er janvier 2016, selon les termes du projet de loi).
Il est dès lors cocasse de lire la prose de M. Rottner, maire de Mulhouse, qui affirme que la condition de referendum n’existe plus, tout en manifestant contre la fusion des trois régions.
Il est cocasse aussi de voir que les mêmes qui défendaient la Collectivité Territoriale d’Alsace comme une nécessité pour être plus grands et plus forts « face à Paris » ne le veulent plus maintenant, au prétexte que ce serait trop grand. Mauvaise foi ? Intérêt personnel déguisé ? Ou sous-entendus identitaires douteux ?
Il est en outre choquant de voir les mêmes élus départementaux, régionaux ou nationaux, qui n’ont pas su « vendre » leur projet aux électeurs (les arguments sensés pour dire non étaient nombreux), tenter de repasser les plats, sans aucun complexe, laissant apparaître leur mépris du suffrage, et la banalisation de ces élections qu’ils finissent par voir comme une rente personnelle. L’histoire rappelle qu’une telle suffisance finit toujours par se payer.
Mathieu Lavarenne
http://referendum.alsace.over-blog.com
Voici ci-dessous en rouge les dispositions que les parlementaires souhaitent supprimer :
Code général des collectivités territoriales
Article L3114-1
Limites territoriales (départementales)
I. ― Plusieurs départements formant, dans la même région, un territoire d’un seul tenant peuvent, par délibérations concordantes de leurs conseils généraux, demander à être regroupés en un seul département. […]
II. ― Le Gouvernement ne peut donner suite à la demande que si ce projet de regroupement recueille, dans chacun des départements concernés, l’accord de la majorité absolue des suffrages exprimés, correspondant à un nombre de voix au moins égal au quart des électeurs inscrits.
Note : Plus ambitieux que les sénateurs, les députés souhaitent supprimer, à partir du 1er janvier 2016, la possibilité d’une fusion de départements.
Article L4124-1
Fusion d’une région et des départements qui la composent (« Collectivité unique »)
I. ― Une région et les départements qui la composent peuvent, par délibérations concordantes de leurs assemblées délibérantes, demander à fusionner en une unique collectivité territoriale exerçant leurs compétences respectives. […]
II. ― Le Gouvernement ne peut donner suite à la demande que si ce projet de fusion recueille, dans chacun des départements concernés, l’accord de la majorité absolue des suffrages exprimés, correspondant à un nombre de voix au moins égal au quart des électeurs inscrits.
Article L4122-1-1
Limites territoriales (régionales)
I. ― Un département et deux régions contiguës peuvent demander, par délibérations concordantes de leurs assemblées délibérantes, une modification des limites régionales visant à inclure le département dans le territoire d’une région qui lui est limitrophe. […]
II. ― Le Gouvernement ne peut donner suite à la demande que si ce projet de modification des limites régionales recueille, dans le département et dans chacune des deux régions concernées, l’accord de la majorité absolue des suffrages exprimés, correspondant à un nombre de voix au moins égal au quart des électeurs inscrits.
Note : Les députés souhaitent supprimer la possibilité de modifier l’étendue du territoire régional à compter du 1er janvier 2019.
Article L4123-1
Regroupement de régions
I. ― Plusieurs régions formant un territoire d’un seul tenant et sans enclave peuvent, par délibérations concordantes de leurs conseils régionaux, demander à être regroupées en une seule région. […]
II. ― Le Gouvernement ne peut donner suite à la demande que si ce projet de regroupement recueille, dans chacune des régions concernées, l’accord de la majorité absolue des suffrages exprimés, correspondant à un nombre de voix au moins égal au quart des électeurs inscrits.
Note : Les députés souhaitent supprimer la possibilité de regrouper les Régions à compter du 1er janvier 2019.
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