Des nouvelles du Pacte budgétaire (TSCG) en Europe: entre ratification, renégociation et opposition

Conseil européen TSCGLors du Sommet du 9 décembre 2011, les États européens se sont engagés dans la négociation d’un nouveau Traité renforçant davantage la discipline budgétaire.

Le Royaume-Uni et la République Tchèque ayant refusé de prendre part à la signature, la voie communautaire a du être abandonnée au profit de la voie intergouvernementale.

Il s’agit du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire (TSCG), plus communément appelé « Pacte budgétaire ».

Etabli sous sa forme définitive lors du Conseil informel du 30 janvier 2012, les chefs d’Etat ont signé le Traité lors du Sommet du 2 mars 2012.

Il doit désormais être ratifié par au moins 12 des 17 Etats membres de la zone euro pour pouvoir entrer en vigueur le 1er janvier 2013.

Qualifié par certains de « Traité d’austérité », il prévoit la mise en place de la fameuse règle d’or: – principe de l’équilibre des budgets,
– limitation du déficit structurel à 0,5% du PIB, – mise en place d’un mécanisme de correction automatique (sous contrôle de la Cour de Justice européenne)
Toutes ces dispositions doivent être introduites dans les législations nationales, dans un délai d’un an suivant l’entrée en vigueur du Traité, sous forme de dispositions contraignantes et permanentes, de préférence constitutionnelles. C’est ce qu’on appelle la fameuse règle d’or budgétaire.

Je vous propose, par cet article, un petit tour d’horizon au sein de la zone euro afin de connaitre l’état d’avancement des ratifications.

La Grèce et le Portugal: les deux premiers Etats à ratifier le Pacte

La nouvelle n’a pas fait la une des journaux mais dès le 28 mars 2012, la Grèce ratifiait le Pacte budgétaire. L’urgence s’explique sans doute par la conditionnalité posée par le préambule du Traité MES: l’accès au Mécanisme européen de stabilité sera réservé aux Etats ayant préalablement ratifié le Pacte.
Ainsi, le Parlement du pays le plus en difficulté financière de l’Union européenne a agit vite, ratifiant dans le même temps le Traité MES et le Pacte budgétaire.

Deux semaines plus tard, le Parlement portugais lui emboitait le pas en ratifiant par près de 90 % des votes le pacte budgétaire européen. La majorité, à droite, a été soutenue par l’opposition socialiste pour l’adoption des deux Traités.

Jeudi dernier, 19 avril, la Slovénie a également ratifié le Pacte budgétaire.

Ainsi, trois Etats membre de la zone euro (sur 17) ont officiellement adopté le Pacte budgétaire. 

En Espagne, le texte est en train des mains des parlementaires. Il a été approuvé par le Congrès, et doit être voté par le Sénat la semaine prochaine. Depuis novembre 2011, les conservateurs disposent de la majorité absolue au Parlement.

En Italie, le Pacte budgétaire est également en cours d’examen au Parlement mais n’a pas encore été approuvé par l’une des chambres. Aucun parti politique représenté au Parlement n’y est opposé.

Aux Pays-Bas, les choses pourraient s’avérer plus compliquées autant donné que le Parti du travail, majoritaire, entend négocier l’abandon de l’objectif de déficit à 3% pour 2012 en échange de son soutien pour la ratification du Pacte budgétaire.

L’Irlande où le grain de sable dans la chaussure de Merkel

Il faut savoir que ce renforcement de la discipline budgétaire européenne devait au départ prendre la forme d’une réforme des Traités européens.
Le refus du Royaume-Uni de signer la déclaration du 9 décembre 2011 a cependant fait échec à cette réforme « communautaire », l’obligeant à basculer dans le cadre « intergouvernemental » (ne faisant plus, par conséquent, intervenir les institutions européennes).
Cela a du faire grincer des dents dans les couloirs de Bruxelles, tant la volonté était grande de réformer en toute discrétion, sans obtenir l’aval des Parlements nationaux, et surtout des peuples lorsque ceux-ci doivent, à l’instar de l’Irlande, être consultés.
Ainsi, il était prévu une « simple » réforme du protocole relatif aux déficits excessifs annexés au TFUE qui nécessite uniquement l’unanimité du Conseil européen.
En refusant de prendre part à la réforme, le Royaume-Uni a obligé les Etats à rédiger un nouveau Traité européen nécessitant, pour son entrée en vigueur, la ratification de chaque pays signataire.

Depuis un jugement rendu en 1987 par la Cour suprême irlandaise (affaire Crotty v. An Taoiseach), une révision de la Constitution est obligatoire dès lors que tout nouveau traité européen contient au moins une disposition modifiant fondamentalement la nature juridique, le champ d’application ou encore les objectifs des Communautés.
Conformément à l’article 46 de la Constitution irlandaise, toute réforme constitutionnelle doit être approuvé par référendum.

A ce titre, l’Irlande est le seul Etat européen à devoir obligatoirement soumettre au référendum la ratification des Traités européens.
Le Pacte budgétaire ne manque pas à la règle: les irlandais sont appelés aux urnes le 31 mai prochain.

En tout état de cause, un refus du peuple irlandais de ratifier ce Traité n’empêcherait pas son entrée en vigueur. A condition toutefois que pas plus de quatre pays membres de la zone euro ne suivent ensuite les pas irlandais.
En retenant le seuil des douze Etats, l’Europe semble à avoir appris la leçon des refus français, hollandais et irlandais en 2005 et 2008.

Dans le thème « référendum », le site « BastaMag » indiquait le 16 avril dernier qu’un collectif associatif préparait « une plainte devant la Cour constitutionnelle allemande contre la ratification par voie parlementaire du pacte et pour la tenue d’un référendum ». Ce collectif s’appuie sur l’article 146 de la loi fondamentale allemande qui stipule qu’une modification constitutionnelle majeure exige l’aval du peuple. On ne peut que s’interroger sur les chances d’aboutissement de cette saisine, puisque les précédents traités européens n’ont pas été soumis au référendum préalable des allemands.

En France, les deux candidats présents au second tour de l’élection présidentielle ont écarté la ratification par voie référendaire.

Une possible renégociation?

C’est le cheval de bataille du candidat socialiste français, qui indique que sans prise en compte du volet « croissance », il ne présentera pas le Traité pour ratification au Parlement français.
Cependant, le lecteur ne doit pas conclure à une remise en cause des dispositions actuelles. D’une part, des quelques questions précises posées à François Hollande, il ne ressort que la volonté de « compléter » l’actuel Traité par des mesures en faveur de la croissance. D’autre part, il parait très compliqué, voire impossible, de modifier un Traité déjà ratifié par plusieurs Etats.

Renégocier: non. Compléter: pourquoi pas.

Hier encore, le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble, indiquait que le Pacte budgétaire européen « sera ratifié par tous les pays », quel que soit le prochain président français.

Il semble donc que l’on s’engage plutôt vers la rédaction d’un nouveau texte, indépendant, ou annexe au Pacte, et consacré à la croissance.
D’ailleurs aujourd’hui, devant la Commission des affaires économiques et monétaires, Monsieur Draghi indiquait souhaiter un Pacte de croissance.

« Nous avons eu un Pacte budgétaire. ce que j’ai à l’esprit maintenant est d’avoir un Pacte de croissance« 

Mario Draghi

Cette nouvelle ouverture est également rendue nécessaire par le contexte politique allemand. Le lander de la Rhénanie-du-Nord-Westphalie procède à des élections législatives anticipées en mai prochain, qui pourraient rendre encore plus difficile la réunion d’une majorité des 2/3 nécessaire à la ratification du Traité.
Selon « euractiv », les sociaux-démocrates dans l’opposition insistent sur l’introduction d’une taxe sur les transactions financières et sur un fonds de croissance européenne en échange de leur soutien au traité.
Aux dernières nouvelles, il semble que le Bundestag attende que le Traité soit mis à l’ordre du jour du Parlement français pour commencer à débattre de sa ratification.

En France, l’aboutissement de ce Traité dépend plus des prochaines élections législatives que des échéances présidentielles.
En considérant que la gauche parvient à obtenir la majorité des sièges à l’Assemblée nationale, c’est sur elle, ainsi que sur la majorité socialiste au Sénat, que reposera la responsabilité d’approuver le Pacte, tandis qu’il comporte des dispositions déjà très contestées par les partis de gauche antilibérale.

Si ce Traité est ratifié et parvient à entrer en vigueur, une réforme constitutionnelle sera nécessaire en France afin d’introduire la règle d’or budgétaire. En effet, même si l’obligation du niveau constitutionnelle a été supprimé du texte définitif, l’obligation de retenir un texte permanent et contraignant reviendra à créer une nouvelle forme de loi organique. Ceci nécessitera une réforme constitutionnelle et donc la réunion d’une majorité des 3/5 des parlementaires (députés et sénateurs réunis en Congrès).

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