Une règle d’or budgétaire adoptée loin des peuples

référendum irlande tscgQu’est-ce que la règle d’or? L’inscription dans le droit national du principe de l’équilibre budgétaire et des modalités permettant le respect de cet équilibre.

Alors que le principe de la règle d’or a été adopté par les États européens lors du Sommet du 25 mars 2011, l’opposition avait fait échouer le projet de réforme constitutionnelle proposé par Nicolas Sarkozy à l’été 2011.

La question est de nouveau sur le feu des projecteurs depuis la signature du Traité sur la Stabilité, le Coordination et la Gouvernance de l’Union économique et budgétaire (TSCG), appelé communément « Pacte budgétaire ».

Cependant, ceux qui croient faire échec à la mise en œuvre de la règle d’or en s’opposant à ce Traité  font fausse route: la règle d’or est actuellement en cours d’adoption loin des peuples, discrètement discutée par le Parlement européen et le Conseil européen.

Conseil européen des 24 et 25 mars 2011: le « Pacte pour l’euro-plus »

Connu pour être le Sommet ayant posé les bases du Mécanisme européen de stabilité (MES), ce Conseil européen a également été l’occasion pour les chefs d’État européen de signer le Pacte pour l’euro-plus.
Destiné à renforcer le pilier économique de l’union monétaire, le Pacte met l’accent sur des domaines qui relèvent de la compétence nationale.
Parmi les engagements adoptés, on peut lire que les États européens « s’engagent à traduire dans leur législation nationale les règles budgétaires de l’UE figurant dans le Pacte de stabilité et de croissance. Les États membres conserveront le choix de l’instrument juridique à utiliser mais veilleront à ce qu’il soit par nature suffisamment contraignant et durable (par exemple: la Constitution ou une législation cadre. […] »

En signant le Pacte pour l’euro plus, l’État français s’est donc engagé à inscrire dans le droit national le respect des critères de stabilité: un déficit budgétaire limité à 3% du PIB et une dette limitée à 60% du PIB.

Juillet 2011: l’échec des lois-cadres d’équilibre des finances publiques

Les français sont en vacances pendant que les parlementaires s’achoppent sur le projet de loi constitutionnelle relatif à l’équilibre des finances publiques. Partout on entend parler de la fameuse « règle d’or ».
Présenté de manière simplifié dans les médias comme l’introduction dans notre Constitution de l’obligation de présenter des budgets annuels en équilibre, le projet de loi était en réalité plus subtile.

Conformément à l’objectif constitutionnel d’équilibre des finances publiques, inscrit à l’article 34 de la Constitution depuis la révision du 23 juillet 2008, l’article 1er du projet de loi constitutionnelle prévoyait la création d’une nouvelle catégorie de lois : les lois-cadres d’équilibre des finances publiques.
Ces lois s’appliqueraient sur une période d’au moins trois ans et fixeraient pour chaque année un objectif constitué d’un maximum de dépenses et d’un minimum de recettes s’imposant aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale.

Le Sénat n’ayant pas voté conforme, c’est-à-dire sans modification, le texte, comme le souhaitait l’exécutif, les conditions de réunion du Congrès n’étaient pas réunies. Surtout, la majorité des 3/5ème n’était de toute façon pas au rendez-vous pour permettre la ratification de la loi constitutionnelle par le Congrès.
Cette difficulté d’adoption avait conduit au retrait du projet de loi.

Conseil européen du 9 décembre 2012: Le Pacte budgétaire

Les États s’entendent « sur un nouveau « pacte budgétaire » et sur une coordination nettement renforcée des politiques économiques » via des « règles communes et ambitieuses« .

Ce Pacte budgétaire prévoit l’instauration d’une règle d’or sur le modèle allemand:
– un déficit structurel limité à 0,5% du PIB (au lieu de 1% actuellement),
– la mise en place d’un mécanisme de correction automatique,
– l’inscription du principe de l’équilibre dans les législations nationales.
Tous ces éléments précités doivent être introduits dans la législation nationale, dans un délai d’un an suivant l’entrée en vigueur du Traité, sous forme de dispositions contraignantes et permanentes, de préférence constitutionnelles. C’est ce qu’on appelle la fameuse règle d’or budgétaire.
A noter que la version initiale du Traité prévoyait l’obligation d’une règle d’or au niveau constitutionnelle, tandis que la version définitive, signée par les États lors du Sommet du 2 mars 2012, revoit ses ambitions à la baisse. Cette modification relève d’un compromis arraché à l’Allemagne.

Notez également que ces nouvelles règles de discipline budgétaire devaient être l’objet d’une réforme du protocole relatif aux déficits excessifs. Cette modalité de réforme avait été choisie afin d’éviter la consultation des Parlements nationaux. En effet, modifier ledit protocole nécessite uniquement l’accord unanime du Conseil européen.

Remercions donc le Royaume-Uni et la République Tchèque d’avoir refusé de prendre part à ce Pacte budgétaire! Grâce à eux, les dispositions du Pacte sont l’objet d’un Traité intergouvernemental, le TSCG, dont la ratification nécessitera l’accord des parlementaires nationaux.
Chacun de ces États va donc débattre et décider, selon ses règles nationales propres, de l’opportunité de ratifier ce nouveau Traité.
La Hongrie l’a d’ores et déjà approuvé. L’Irlande le soumettra fin mai au référendum. La France, quant à elle, attendra l’élection de ses nouveaux députés.
François Hollande indique, qu’en cas de victoire, il renégociera ledit Traité afin d’y introduire un volet croissance. La controverse et le flou restent cependant entiers quant à l’acceptation par les socialistes du principe même de la règle d’or.

Mais ratifié ou pas, amendé ou pas, reste que ce Traité est d’inspiration communautaire. La règle d’or qu’il institue est née du souhait de la majorité européenne en place.
Par conséquent, mettre en place une opposition au Pacte budgétaire ne saurait suffire à faire échec à la mise en place de la règle d’or.
En effet, deux règlements européens visant à renforcer le Pacte de stabilité et de croissance (PSC) sont en cours d’élaboration (réforme dite du « Two-Pack). L’un d’eux porte la règle d’or telle qu’inscrite dans les engagements du Pacte pour l’euro plus.

Le suivi et l’évaluation des projets de plans budgétaires et pour la correction des déficits excessifs

C’est l’objet du règlement visant à introduire une règle d’or budgétaire dans les législations nationales.
Publié par la Commission européenne le 23 novembre 2011, le projet de règlement a été présenté aux chefs d’État lors du Conseil du 9 décembre 2011. Il a été approuvé par le Conseil des ministres des finances (EcoFin) le 21 février 2011 et est actuellement discuté par les Parlementaires européens.

Si ce règlement est adopté conformément au projet remis par la Commission, les États auront l’obligation:
– d’inscrire dans leur législation nationale les critères de stabilité (déficit limité à 3% du PIB, dette à 60%),
– mettre en place un « Conseil budgétaire indépendant » chargé de veiller au respect des critères,
– communiquer à la Commission leur projet de loi de finances (« plan budgétaire ») afin que celle-ci puisse émettre des recommandations.

Par ailleurs, divers amendements ont d’ores et déjà été déposé par les eurodéputés afin d’introduire dans ces deux règlements les dispositions inscrites dans le TSCG (alors même que ces dispositions n’ont pas encore étaient approuvées par les États signataires):
– déficit structurel limité à 0,5% du PIB,
– mise en place d’un mécanisme de correction automatique,
– inscription du principe de l’équilibre dans les législations nationales.

Ainsi, alors que le Pacte budgétaire fait l’objet de toutes les attentions et cristallisent le rejet des peuples de la discipline économique renforcée, la règle d’or pourrait bien être imposée aux États dans l’indifférence générale, sans que les peuples ni les Parlements nationaux n’aient été consultés.

On ne peut que s’interroger sur la méthode employée par les institutions européennes qui, dans un souci de coordination des politiques économiques, intervient dans un domaine qui relève de la compétence exclusive des États membres.
Surtout, alors que la règle d’or budgétaire ne saurait être introduite sans une modification de la Constitution française, comment peut-on croire à la réussite d’une telle réforme, sans que celle-ci n’aient recueilli l’accord des peuples et des élus nationaux?
A trop s’éloigner des peuples, les institutions européennes semblent carrément les avoir oubliés.

[box]Merci d’avance à tous ceux qui publient/relaient mes articles. Merci cependant de sélectionner un extrait et de mettre le lien vers l’article original! Magali[/box]


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