Il y a un mois, j’informais les lecteurs de ContreLaCour de l’existence de deux projets de règlements en cours l’élaboration (dits « Two-Pack »), visant à réformer le Pacte de stabilité et de croissance:
– le règlement relatif au renforcement de la surveillance économique et budgétaire des États membres connaissant ou risquant de connaître de sérieuses difficultés du point de vue de leur stabilité financière au sein de la zone euro (rapporteur : Jean-Paul Gauzès, PPE)
– le règlement établissant des dispositions communes pour le suivi et l’évaluation des projets de plans budgétaires et pour la correction des déficits excessifs dans les États membres de la zone euro (rapporteure : Elisa Ferreira, S&D)
Ces deux règlements visent à introduire un contrôle beaucoup plus strict des pays de la zone euro en difficulté, notamment ceux souhaitant bénéficier d’une assistance financière.
Aussi, ils visent à encadrer encore davantage le processus d’élaboration des budgets nationaux et semblent s’attacher ainsi à intégrer dans le droit européen certaines dispositions décriées du Pacte budgétaire (introduction d’une règle d’or budgétaire).
Pour en savoir plus sur ce que prévoit les deux projets de règlement
Ces deux projets de règlement ont été publiés par la Commission européenne le 23 novembre 2011 et approuvés par le Conseil des ministres des finances (EcoFin) le 21 février 2011.
Le lendemain, les deux rapporteurs susmentionnés les présentaient à la Commission des affaires économiques et monétaires du Parlement européen.
Depuis, différents amendements ont été déposés par les parlementaires, dont je souhaitais vous faire prendre connaissance aujourd’hui.
C’est également l’occasion pour moi de vous présenter brièvement la procédure d’élaboration d’un texte européen au sein du Parlement européen.
La procédure législative ordinaire et le calendrier d’élaboration du Two-Pack
La procédure législative ordinaire désigne le processus décisionnel nécessitant l’accord du Parlement européen et du Conseil européen pour l’adoption d’un texte (directive ou règlement), proposé par la Commission européenne.
C’est l’ex procédure dite de « codécision ». Les autres procédures, par exemple celles où le Parlement est uniquement consulté pour avis, sont dénommées « procédures législatives spéciales ».
Lorsqu’une proposition de texte est adoptée par la Commission européenne, le projet est transmis en même temps au Parlement européen et au Conseil de l’Union européenne, qui en discutent indépendamment et peuvent l’amender.
Au Parlement, le texte est d’abord pris en charge par une Commission parlementaire (en l’espèce, pour nos deux règlements, la Commission des affaires économiques et monétaires) dont les membres désigne un rapporteur chargé de préparer le rapport parlementaire relatif au texte étudié (en l’espèce, respectivement, Jean-Paul Gauzès et Elisa Ferreira)
D’autres commissions peuvent également être désignées pour avis.
Sur la base des amendements parlementaires déposés, le rapporteur rédige un projet de rapport qui sera étudié pendant plusieurs réunions de la Commission. Les deux projets de rapports relatifs au Two-pack ont été déposés le 14 mars.
Tous les amendements déposés feront l’objet d’un vote à la majorité simple. Ensuite, c’est le projet de texte amendé (de par les amendements préalablement approuvés) qui fait l’objet d’un vote final de la Commission (vote prévu pour le 25 avril).
Une fois le rapport adopté en commission parlementaire, il est mis à l’ordre du jour de la session plénière du Parlement européen (prévue pour le 12 juin). Des amendements additionnels au rapport peuvent être déposés au nom des groupes politiques ou de 37 députés au moins.
La majorité simple est requise pour adopter les nouveaux amendements ainsi que la proposition de la Commission.
Les propositions d’amendements significatives
Venons-en au cœur du sujet: quel est l’avis des eurodéputés sur les deux projets de règlements?
Cette partie me permettra de refaire le point sur les dispositions les plus controversées du Two-Pack.
Le règlement relatif au renforcement de la surveillance économique et budgétaire des États membres connaissant ou risquant de connaitre de sérieuses difficultés du point de vue de leur stabilité financière au sein de la zone euro
Deux propositions de rejet ont d’ores et déjà été déposées: l’une par les eurodéputés Miguel Portas et Jürgen Klute (Gauche unitaire européenne), l’autre par les eurodéputés français socialistes Liem Hoang Ngoc et Pervenche Berès.
Ces derniers estiment en effet que ce règlement constitue « menace du point de vue économique comme sur le plan de la
démocratie »: les programmes d’ajustement, fortement procycliques, ne permettront pas un assainissement budgétaire efficace et ne conduiront qu’à la récession. De plus, s’ils reconnaissent que la zone euro a besoin « d’une meilleure coordination économique », ils estiment que celle-ci ne doit pas priver « les représentants élus de leur pouvoir décisionnel ».
Aussi, on peut noter un amendement déposé par l’eurodéputée française Sylvie Goulard (ALDE, Modem) visant à permettre une restriction à la libre circulation des capitaux en cas de lutte contre l’évasion fiscale, notamment par les États qui connaissent ou risquent de connaître de graves difficultés en matière de stabilité financière.
Cette restriction vis-à-vis des États tiers responsables des mouvements de capitaux dangereux pourrait être autorisée par le Conseil, sur proposition de la Commission.
Plusieurs amendements déposés respectivement par Nikalaos Chountis, Diogo Fieo, Jürgen Klute, Elisa Ferreira et Danuna Jazlowiecka, proposent de supprimer la disposition permettant la suspension des subventions octroyées par l’UE (exemple: le Fonds européen de développement régional) en cas de non respect du programme d’ajustement mis en place par le présent règlement.
Deux amendements cherchent, quant à eux, à introduire une nouvelle disposition dans le règlement afin de prévoir le placement sous protection juridique d’État membre en difficulté (amendement 226 et 227). Cette proposition, qui pourrait être qualifiée par les plus critiques de « mise sous tutelle », ressemble curieusement à la procédure de redressement judiciaire d’une entreprise en difficulté: les créanciers doivent se faire connaître, les dettes sont priorisées, un plan de remboursement (apurement) est établi en collaboration avec la Commission.
Enfin un amendement vise à intégrer dans le droit européen les dispositions inscrites dans le futur Pacte budgétaire (TSCG), en cours de ratification.
En effet, l’amendement n°96, déposé par Roberto Gualtieri, vise à modifier le règlement 1466/97 relatif à la prévention des déficits excessifs en indiquant désormais l’obligation d’un déficit structurel limité à 0,5% du PIB (actuellement à 1%).
Cette proposition a été reprise par Jean-Paul Gauzès, rapporteur, dans son projet de rapport (proposition d’amendement n°9) et a fait l’objet d’une vive contestation portée par Liem Hoang Ngoc lors de la séance plénière du 13 mars dernier. Selon ses dires, l’amendement de Monsieur Gauzès aurait été retiré.
« Vous voulez transposer cette règle de plomb dans la réglementation secondaire avant même que les peuples n’aient pu se prononcer et ratifier le traité »
(Liem Hoang Ngoc)
Le règlement établissant des dispositions communes pour le suivi et l’évaluation des projets de plans budgétaires et pour la correction des déficits excessifs dans les États membres de la zone euro
Plus encore que le premier, ce règlement est tout disposé à recevoir les dispositions inscrites dans le futur Pacte budgétaire (TSCG) – ce dernier visant à davantage encadrer les processus budgétaires nationaux.
Comme pour le premier projet de règlement, deux propositions de rejet ont également été déposées: l’une par les eurodéputés Miguel Portas et Jürgen Klute (Gauche unitaire européenne), l’autre par les eurodéputés français socialistes Liem Hoang Ngoc et Pervenche Berès.
Ces derniers mettent de nouveau en avant le caractère procyclique du texte. Les critiques indiquant une menace pour la démocratie ne sont cependant pas renouvelées.
Sans surprise, Roberto Gualtieri renouvelle sa proposition d’amendement visant à modifier le règlement 1466/97 relatif à la prévention des déficits excessifs afin de prendre en compte la nouvelle limitation du déficit structurel.
Concernant l’article 4 du projet de règlement disposant que les États doivent inscrire dans leur « processus budgétaire national » (texte à caractère contraignant, de préférence constitutionnel) un « objectif budgétaire à moyen terme » respectant les critères du PSC, les deux eurodéputés français socialistes Liem Hoang Ngoc et Pervenche Berès ont déposé une proposition de suppression.
Cette proposition marque le refus des socialistes français de l’institution d’une règle d’or budgétaire.
D’autres amendements portant sur le même article, déposés par divers eurodéputés dont Sylvie Goulard, visent simplement à introduire des dérogations temporaires à l’application de la règle d’or en cas de « circonstances exceptionnelles ».
Enfin, certains amendements cherchent à renforcer cette règle d’or conformément aux dispositions du Pacte budgétaire
– amendements portés par Marianne Thyssen et Slawomir Nitras: l’équilibre budgétaire sera considéré comme respecté si le déficit structurel ne dépasse pas 0,5% du PIB;
– amendements portés par Carl Haglund, Marianne Thyssen et Sylvie Goulard: les États devront mettre en place un mécanisme de correction automatique visant à corrigé les écarts significatif
– amendements de Carl Haglund, Sylvie Goulard et Slawomir Nitras: les États devront rapidement atteindre leur objectif sur la base d’un calendrier ambitieux et contraignant proposé par la Commission.
Quant au conseil budgétaire devant être mis en place par les États pour surveiller la mise en œuvre de cette règle d’or, le rapport de Madame Ferreira demande à ce que son caractère « indépendant » soit supprimé.
Concernant l’article 5 du projet de règlement disposant que les États doivent transmettre leur projet de loi de finances à la Commissionavant 15 octobre, différents amendements ont été déposés afin de raccourcir ce calendrier pour que les recommandations de la Commission soient dument prises en compte lors des votes des budgets dans les Parlements nationaux.
D’autres amendements, suivant la même logique, ont été déposés afin d’avancer la date de remise par la Commission de l’avis sur le projet de loi de finances.
Par ailleurs, un amendement a été déposé par les eurodéputés socialistes Liem Hoang Ngoc, Elisa Ferreira et Pervenche Berès afin que les dépenses publiques d’investissement soient exclues des calculs de dette dans le cadre du Pacte de stabilité et de croissance. Cette proposition cherche à diminuer le caractère procyclique du texte et faciliter le retour à la croissance et l’emploi.
Enfin, concernant la possibilité laissée à la Commission de demander la présentation d’un nouveau projet de loi de finances en cas de « manquement particulièrement grave aux obligations de politique budgétaire », Madame Marianne Thyssen a déposé un amendement demandant sa suppression.
Surtout le projet de rapport de Madame Ferreira précise que cette demande de la Commission constitue un acte délégué et que les pouvoirs découlant de cette délégation peuvent être révoqués à tout moment par le Conseil ou le Parlement. De plus, si la proposition de Madame Ferreira est suivie, les demandes de révision budgétaire formulées par la Commission pourraient être bloquées par le Parlement européen ou le Conseil.
Parmi les nouveautés que certains eurodéputés souhaitent intégrer au règlement, on note:
– la proposition du groupe des Verts visant à demander aux États la remise d’un programme national de réforme afin de renforcer la coordination des politiques économiques,
– les propositions respectives des eurodéputés socialistes Liem Hoang Ngoc, Elisa Ferreira et Pervenche Berès, de l’eurodéputée Marianne Thyssen et du groupe des Verts demandant aux États de soumettre leurs plans d’émission de dette publique à la Commission
– la proposition du groupe des Verts visant à mettre en place les sommets de la zone euro (conformément aux dispositions du futur Pacte budgétaire)
– la proposition des eurodéputés socialistes Liem Hoang Ngoc, Elisa Ferreira et Pervenche Berès visant à permettre la suspension de la procédure de déficit excessif lorsqu’un État connait une situation de récession économique ou une augmentation considérable de son taux de chômage.
– la proposition du groupe des Verts, de Marianne Thyssen visant à instituer le programme de partenariat économique entre des État faisant l’objet d’une procédure pour déficit excessif et la Commission (conformément aux dispositions du futur Pacte budgétaire)
– la proposition des eurodéputés Ramon Balcells, Sylvie Goulard, Philippe de Backers et Carl Haglund visant à mettre en place un Fonds européen d’amortissement (mise en commun de la dette supérieure à 60% du PIB sous réserve d’une règle d’or nationale limitant le déficit structurel à 0,5% du PIB).
[box]Merci d’avance à tous ceux qui publient/relaient mes articles. Merci cependant de sélectionner un extrait et de mettre le lien vers l’article original! Magali[/box]
Pour lire l’ensemble des amendements déposés au sein de la Commission économique et monétaire:
– http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?type=COMPARL&reference=PE-485.871&format=PDF&language=FR&secondRef=01
– http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?type=COMPARL&reference=PE-485.870&format=PDF&language=FR&secondRef=01
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