Vers une « véritable Union économique et monétaire »: une fédération peut être?

drapeau-europeen-interrogatif« Il n’y aura pas de mutualisation totale des dettes en Europe tant que je serai en vie »

La déclaration date d’hier et peut se laisser à imaginer la réaction d’Angela Merkel à la lecture du projet signé Herman Van Rompuy: « Vers une véritable Union économique et monétaire ».

En effet, mardi dernier, le Président du Conseil européen a remis aux 27 États membres de l’UE un document de travail relatif à l’intégration de l’Union politique.

Oui, politique. Car si le mot « fédéralisme » n’est pas employé, c’est bien de cela qu’il s’agit.

« Je ne vais pas prononcer le mot qui commence par F et qui finit par AL, mais c’est un saut de cet ordre que nous proposons »

Un fonctionnaire européen, selon Euractiv

Ce document, élaboré conjointement avec le Président de la Commission européenne, le Président de l’eurogroupe et le Président de la BCE, est discuté par les dirigeants européens dans le cadre du Sommet des 28 et 29 juin.

L’objectif est de fixer des pistes concrètes permettant aux rédacteurs de proposer au Conseil européen de décembre 2012 une feuille de route précise pour la réalisation d’une véritable Union économique et monétaire. Un rapport intermédiaire pourrait être présenté en octobre prochain.

Depuis plusieurs semaines, alors que les dirigeants s’évertuent à tenter de maintenir un semblant de consensus européen, les citoyens européens assistent à une bataille en coulisse dont ils ne perçoivent que des brides.

« Pas d’eurobonds sans coordination budgétaire et économique! » crie Madame Merkel! « La solidarité financière doit accompagner l’intégration politique » lui répond François Hollande. Bref, c’est le serpent qui se mord la queue.

La chancelière sait qu’elle ne convaincra jamais sa majorité à s’engager sur une garantie des dettes européennes sans un renforcement significatif de la gouvernance économique.

Le Président sait, lui, que ce transfert de souveraineté ne sera pas accepté en France sans la croissance en contrepartie.

« Comment imaginez-vous faire accepter par les peuples d’Europe davantage d’intégration, davantage de fédéralisme, alors qu’ils ne voient venir de ce pouvoir fédéral que de l’austérité et de la saignée ? »
Source : EurActiv

Or, si François Hollande n’a pas véritablement réussi à infléchir la rigueur allemande et à imposer ses propositions en matière de croissance, on peut néanmoins constater que son élection a semble-t-il décomplexé un certain nombre d’acteurs qui n’hésitent plus désormais à réclamer, agenda à main, que l’on parle enfin de mutualisation de la dette.

C’est le cas des groupes parlementaires de centre et de gauche du Parlement européen qui ont réussi à introduire tout un chapitre consacré à la mise en place d’eurobonds dans un règlement en cours d’adoption consacré à la discipline budgétaire.

C’est le cas également de Sylvie Goulard, eurodéputée membre de l’ALDE, qui a présenté récemment une feuille de route pour la mise en œuvre des fameuses euro-obligations.

C’est le cas enfin, et sans surprise, du projet de Herman Van Rompuy. Et un peu trop sans doute au goût de Madame Merkel qui juge le plan du Président du Conseil quelque peu « déséquilibré ». Selon elle, le plan ne présente pas de règles suffisamment ambitieuses en matière de discipline budgétaire.

Que propose le plan « Vers une véritable Union économique et monétaire » ?

Si le projet est plutôt précis quant aux étapes de mise en place de la mutualisation de la dette, peu de précisions sont apportées quant au modalités de contrôle des budgets nationaux.

Parmi les pistes de réflexion abordées, on peut noter:

– la définition « d’un commun accord » » de plafonds applicables au solde budgétaire annuel et au niveau de la dette publique des différents États membres.

– l’autorisation préalable et commune de la dette supérieure au plafond défini.

– la possibilité d’exiger la modification des enveloppes budgétaires si celles-ci sont contraires aux règles budgétaires.

Ces éléments passeraient par la mise en place d’une « instance budgétaire » supranationale, de type « ministère des finances ».

On comprend aisément que Madame Merkel a du être un peu déçue en lisant le plan, elle qui sommait le Président français à s’avancer davantage – et surtout publiquement – sur le terrain de la négociation : Quels euro-bonds souhaite-t-il ? Quelles seraient les implications en termes de gouvernance commune ?

En effet, contrairement au gouvernement français, l’exécutif allemand parle sans complexe de nécessaire « abandon de souveraineté », de « fédéralisme » et propose d’ores et déjà des mesures concrètes telles que l’élection du Président de la Commission européenne au suffrage universel.
C’est loin d’être le cas des socialistes français qui, sans doute encore bien échaudés par le résultat au référendum de 2005, souhaitent éviter à tout prix la réouverture du débat institutionnel.

Alors, oui au fédéralisme, surtout si celui-ci permet à François Hollande d’avancer sur le terrain des eurobonds dont il s’attribuera les mérites, oui au fédéralisme mais sans le dire

270612

Nous sommes aussi conscients des mesures que nous devons préparer pour la stabilité financière et nous voulons l’un comme l’autre approfondir l’union économique, monétaire et demain politique pour arriver à une intégration et à une solidarité

François Hollande (27 juin 2012)

De combien de temps dispose le gouvernement français?

François Hollande a beau nous avoir promis le changement, le fédéralisme ce n’est pas pour maintenant.

Cependant, conscient de la nécessité de coordonner les politiques budgétaires et économiques, il défend une intégration poussée dans le cadre des Traités actuels. Pour ce faire, il peut s’appuyer sur les récentes réformes du Pacte de stabilité et de croissance (« Six-Pack » à l’automne dernier, et « Two-Pack » en cours d’approbation) dont on n’a pas encore mesuré les retombées.

Mais plus que le renforcement des règles budgétaires, c’est désormais sur le terrain de la coordination européenne qu’il s’agit d’avancer.

Un règlement en cours d’élaboration va même jusqu’à prévoir l’obligation de transmission des projets de loi de finances à la Commission européenne pour que celle-ci puisse transmettre à l’État un avis.

En réalité si le débat institutionnel ne sera surement pas ouvert avant plusieurs mois (le plan de Van Rompuy table sur la prochaine décennie) les États disposent de nombreux moyens de renforcer les règles budgétaires applicables aux États membres sans que ces derniers ne soient directement consultés.

Aussi, l’actuel Pacte budgétaire en cours de ratification dans les Parlements européens, apparaît davantage comme une mesure de diversion de l’opinion publique quand les réformes les plus importantes sont entreprises à Bruxelles.

Or, le plan le reconnaît lui même: « une intégration plus étroite […] nécessitera une plus grande assise démocratique et un large soutien des citoyens ». Reste que sur 7 pages de projet, seules 10 lignes sont consacrées au renforcement de la légitimité démocratique.

Rappelant que le vote du budget constitue le fondement des démocraties parlementaires européennes, le document appelle à une association étroite des Parlements nationaux et du Parlement européen.

Ainsi, la démocratie est considérée, au même titre que l’intégration financière, budgétaire et économique, comme un pilier nécessaire à la survie de la monnaie unique. A aucun endroit, la nécessité d’un référendum préalable n’est évoquée.

Tout comme l’Union européenne qui ne cesse de progresser depuis plusieurs décennies en accrochant à son train les peuples d’Europe, espérant en retirer un jour une légitimité démocratique qu’elle n’a jamais osé solliciter clairement, la « véritable Union économique et monétaire » n’entend pas davantage demander l’accord préalable des nationaux.

 

[box]Merci d’avance à tous ceux qui publient/relaient mes articles. Merci cependant de sélectionner un extrait et de mettre le lien vers l’article original! Magali[/box]


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